Archives de catégorie : Politique

DARMANIN N’EST PAS LE PÈRE NOEL

Gérald Darmanin fait partie de ces ministres pétris d’expérience démocratique. Tout le contraire d’un certain nombre de responsables de la Macronie. Cela explique peut être sa progression fulgurante au sein des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron.

L’ancien maire de Tourcoing a presque tout connu, au cours de son parcours politique. Issu d’un milieu modeste, tout autant qu’issu de l’immigration, il a été responsable chez les Républicains, chef de cabinet d’un ministre, porte parole de Nicolas Sarkozy ou encore directeur de campagne de Xavier Bertrand. Dans le gouvernement actuel, seuls quelques rares élus, comme Sébastien Lecornu, peuvent se prévaloir d’une telle expérience.

Au sein du gouvernement Borne, il exerce un portefeuille largement à risque. La sécurité des Français, l’immigration, et depuis peu, les Outre Mer. Excusez du peu.

Autant dire qu’avec la Nouvelle Calédonie dont il suit l’histoire depuis des années, il n’est pas étonnant qu’il affiche l’assurance d’un républicain, mais la prudence d’un élu madré par des années de combat, d’échecs, de succès.

Il connaît les enjeux. nationaux, ceux fixés par le président de la République. Il découvre, sur le terrain, les enjeux locaux. Les uns comme les autres doivent se conjuguer. Dans un rapport de force, puisque pouvoir, politique et gestion d’État sont assis sur des rapports de force.

Gérald Darmanin écoute beaucoup, au cours d’un séjour extrêmement long pour un ministre régalien. Il ne fera pas de promesse autre que celle inscrite dans le verdict démocratique des trois référendums. Sollicité par tous, comme cela est naturel, y compris sur des sujets qui relèvent strictement de la Nouvelle Calédonie en panne de gouvernance, il pourra mûrir sa réflexion sur la réalité -complexe- du terrain calédonien.

Parmi les problèmes qui assaillent le territoire en situation virtuelle de faillite, le paiement des salaires des employés de la SLN est le plus prégnant en raison de son urgence. Avec une approche simple, sans arrogance, sous des atours d’humilité, Gérald Darmanin écoute. Mais il n’a rien promis. Ainsi, pas de chèque sans certains conditions à la SLN, ni sans appel en responsabilité des autres actionnaires. Il en va de même pour les finances publiques calédoniennes, le Ruamm, la Santé, l’enseignement et tout le reste.

Gérald Darminin est un ministre de l’Intérieur et de l’Outre mer à l’écoute. Il prendra ses responsabilités en temps et en heure. Mais il n’est pas le Père Noël.

LES LOYALISTES SOUTIENNENT LA SLN

Dans un communiqué, les Loyalistes « tiennent   à apporter tout leur soutien aux employés de la SLN et les assure de leur entière mobilisation dans les différentes institutions pour agir à la préservation à long terme de l’outil industriel ».

« Au regard de la situation de l’ensemble des usines métallurgique, indique le communiqué, nous appelons à la constitution urgente des groupes de travail sur le nickel et la souveraineté énergétique afin qu’un plan puisse être défini dans les plus brefs délais »

Les Loyalistes « appellent les leaders indépendantistes à prendre conscience de l’urgence de la situation est à sortir du dogme idéologique d’une stratégie nickel qui vise à affaiblir la SLN au motif que pour eux elle ne serait pas une usine pays. Les salariés de Doniambo, poursuit le communiqué, et leurs familles ne doivent pas être les victimes d’une répression idéologique »

GEL DU CORPS ÉLECTORAL : C’EST À L’ÉTAT D’INTERVENIR POUR PIERRE FROGIER

Certains rappels sont intéressants pour rafraîchir les mémoires. Celui effectué par le Sénateur Pierre Frogier vendredi au micro de RRB visait le corps électoral, aujourd’hui gelé, et alors que le « dégel » est sur toutes les bouches. Avec des « pour » et des « contre », bien sûr.

Il est utile, pourtant, ainsi que l’a fait le Sénateur, de rappeler que l’Accord de Nouméa n’a ni été signé, ni été mis en œuvre avec un corps électoral « gelé » pour les élections provinciales. En 1998, c’est un corps « glissant » sur une période de 10 ans qui avait été adopté. En clair, tout citoyen français présent sur le territoire pendant 10 ans pouvait voter aux provinciales. Ce choix avait été opéré en estimant qu’au bout de 10 ans de présence, les intérêts moraux et matériels pouvaient être considérés comme établis sur le territoire.

C’est l’État, et l’État seul qui a pris la décision de revenir sur cette décision, et de geler le corps électoral par une modification constitutionnelle adoptée par le Parlement réuni en Congrès à Versailles en 2007.

Conclusion de Pierre Frogier : c’est l’État qui en est responsable, c’est à lui de remettre les choses en bon ordre. CQFD.

LE PALIKA DEMANDE UN RÉFÉRENDUM SUR L’INDÉPENDANCE AVEC PARTENARIAT

Le Palika a confirmé qu’il rencontrera le ministre de l’Intérieur et des Outre mer, Gérald Darmanin ainsi que le ministre délégué à l’Outre mer, Jean-François Carenco, lors de leur visite en Nouvelle Calédonie en fin de mois.

Le Parti de Libération Kanak veut toutefois limiter sa discussion à l’organisation d’un référendum sur l’indépendance en partenariat avec la France qui pourrait se situer dans une dizaine d’années, et qui se tiendrait après une « période de transition » s’étendant jusqu’en 2024.

Cette période permettrait, selon le Palika, d’examiner notamment les conditions dans lesquelles la Nouvelle Calédonie serait en mesure de subvenir à tous ses besoins, et d’étudier les partenariats qui pourraient être établis ou maintenus avec la France.

Cette position est sensiblement différente de celle de l’Union Calédonienne qui peut se résumer à une injonction : la pleine souveraineté accordée à la Nouvelle Calédonie en 2025, sans autre forme de procès.

INDÉPENDANCE EN 2025 : L’UC Y CROIT VRAIMENT ?

C’est un genre de procrastination politique et statutaire. Le FLNKS avait annoncé l’avènement de la pleine souveraineté par les « tops » en 1980, 81, 82, puis au début des événements, puis en 2014, puis avant chaque référendum. Finalement ce sera en 2025. Unilatéralement, bien entendu, mais avec tous les signataires de l’Accord de Nouméa, affirme Roch Wamytan …

A l’appui de cette nouvelle échéance, Daniel Goa suggère que si tel n’était pas le cas, ce serait de nature à remettre en cause les fondements de la paix en Nouvelle-Calédonie. Une saillie immédiatement condamnée par le Comité des Sages au sein duquel, -cela n’aura échappé à personne-, siègent aussi bien Marie-Claude Tjibaou que l’un des fondateurs du Palika, Elie Poigoune.

Tout cela s’appelle une fuite en avant. Incapable de séduire une majorité d’électeurs par un projet rassembleur, l’Union Calédonienne en est réduite à ce qui s’apparente à des incantations. Le tout, à présent, est de savoir si tous ses militants et ses sympathisants sont encore capables de croire à cette nième annonce.

Il va de soi que de plus en plus nombreux sont celles et ceux qui peuvent analyser cet objectif, y réfléchir et en estimer toutes les conséquences. Y compris dans le monde Kanak.

Sur le plan politique comme juridique, que la Nouvelle Calédonie accède à la pleine souveraineté en 2025 est tout simplement impossible.  Jusqu’à présent, tous les moyens, pour y parvenir, ont été mis en œuvre : la violence en 1984, la voie démocratique par les trois scrutins d’autodétermination supervisés par l’Onu. Une simple injonction de l’Union Calédonienne ne fera pas mieux.

La réalité, c’est qu’au-delà de l’affichage de cette nouvelle certitude, les responsables indépendantistes ont du mal à présenter la vérité à leurs supporters. La Nouvelle Calédonie n’est plus une colonie, la France est un État de droit, et les Nations Unies défendent des principes de liberté démocratique. Ce n’est pas le Groupe Fer de Lance qui pourra bousculer cette situation incontestable.

Dans le camp indépendantiste, dire la vérité induit une large part de renoncement. Mais cela comporte des risques. Pourtant, le « Top 2025 » n’est jamais qu’une façon de reculer pour mieux sauter. Or en 2025, la Nouvelle-Calédonie ne sera pas plus indépendante qu’aujourd’hui. Comment les ténors de l’Union Calédonienne l’annonceront-ils alors à leurs militants ?

UNION CALÉDONIENNE : LE RADICALISME DE L’IMPASSE

Difficile de suivre la stratégie -ou l’absence de stratégie- de l’Union Calédonienne en cette fin d’Accord de Nouméa. « Aussi longtemps que l’État français n’engage pas les discussions sur un transfert de souveraineté pleine et entière et qu’il ne s’engage pas irrévocablement sur un calendrier de transfert, nous n’avons rien à faire dans des bilatérales ou des trilatérales », déclare Daniel Goa, le président du mouvement, à l’ouverture du 53e congrès de son mouvement

Exit le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, exit les principes acceptés des Accords de Matignon -il est vrai révolus-, et retour à la case départ : l’indépendance Kanak exigée en dehors de tout processus démocratique.

Inutile de préciser qu’une telle revendication n’a aucune chance d’aboutir. Elle est en contradiction avec le choix opéré au travers de trois scrutins d’autodétermination validés par l’Onu, avec les termes de la Constitution française, et avec les principes onusiens.

Mais visiblement, l’Union Calédonienne n’en a cure. Difficile dans ces conditions d’imaginer ce que ses dirigeants espèrent. Certains d’ailleurs, ne refusent pas la contradiction. Invité sur le plateau de NC première dimanche soir, Gilbert Tyuienon affirmait sans rire : « L’UC sera toujours présente aux discussions, parce que nous avons signé l’accord de Nouméa, nous avons donné notre parole pour le dialogue ».

LE PALIKA ENTRE INCANTATION ET PRAGMATISME

En annonçant sa décision de rencontrer le ministre de l’Intérieur accompagné du ministre délégué pour l’Outremer à la fin du mois, le Palika fait preuve de pragmatisme. En réaffirmant qu’il ne peut y avoir de statut définitif pour la Nouvelle Calédonie que celui d’un État indépendant, il campe dans l’incantation.

Le président du gouvernement actuel est un membre du parti. Il porte la responsabilité de la crédibilité, déjà fort entamée, de la capacité des indépendantistes à gérer un pays. Cet exercice, aujourd’hui marqué par l’immobilisme et l’émergence de notables insuffisances, ne peut progresser qu’avec l’aide de l’État.

Par ailleurs, le Palika, mais avec lui l’ensemble des forces indépendantistes, devra progressivement rendre compte à la jeunesse Kanak des perspectives matérielles qu’ils leur offrent. Il est un fait que l’idéologie, l’affichage d’un drapeau, les slogans lancés à tours de bras, ne résolvent ni les problèmes d’éducation, ni ceux des inégalités, et encore moins les problèmes d’emploi, de logement, de scolarisation des enfants, de consommation auxquels les familles, même Kanak, sont confrontés.

En revanche, le Palika et les autres indépendantistes, savent qu’ils ne peuvent afficher un renoncement à l’indépendance. Pour avoir signé un accord excluant l’accession automatique à la pleine souveraineté, Jean-Marie Tjibaou et Yeiwene Yeiwene l’ont payé de leur vie.

Le parti de Paul Néoutyne ira donc aux discussions en clamant haut et fort que seule l’indépendance-association sera un statut acceptable pour lui. Imaginer que celle-ci pourrait être accordée par la France sans autre forme de procès, et aux mépris du principe onusien de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes est un fantasme. Mais le Palika, politiquement, n’a pas le choix.

POURQUOI LES INDÉPENDANTISTES SE TROMPENT DE STRATÉGIE

En pratiquant la politique de la chaise vide à Paris, en déclarant attendre le jugement de la Cour Internationale de Justice devant laquelle ils contestent la validité du troisième référendum, les indépendantistes ont-ils choisi une stratégie leur permettant de renverser le cours des choses ? Certainement pas. Voilà pourquoi.

L’absence du FLNKS ou d’une de ses composantes à la première convention des partenaires réunie à l’initiative d’Elisabeth Borne n’a pas empêché la réunion de se tenir. Certes, les partis d’opposition comme une presse penchant à gauche a estimé que cette première convention était un échec. Cependant, la réalité est toute autre. L’agenda proposé par la Première ministre était calendaire et technique ; il ne s’agissait pas d’une réunion en vue d’atteindre de nouveaux accords. De surcroît, l’organisation de cette première réunion avait une importance particulière : marquer, quoi qu’il arrive et quoi que l’on pense, le fait que la Nouvelle Calédonie est sortie de la période de l’Accord de Nouméa pour entrer dans une nouvelle ère, à la fois institutionnelle et sociétale.

De ce point de vue, la « convention des partenaires » ne peut être ni un échec, ni un succès : elle s’est tenue, ouvrant une nouvelle page d’histoire pour le territoire français.

Quant au recours déposé devant la Cour Internationale de Justice, il mérite un rappel de contextualité juridique. La CIJ a pour mission de régler, en application des traités internationaux, les litiges que les Etats portent devant elle. La démarche entreprise par le FLNKS suggère donc que son résultat sera grandement hypothétique, compte tenu du fait que ni le Vanuatu, ni un État membre du groupe Fer de Lance n’a de contentieux international avec la France.

Désormais, une seconde phase du dialogue entre les « partenaires calédoniens » va être lancée en Nouvelle-Calédonie. Si le FLNKS persiste dans sa volonté de ne pas y participer, il s’expose, à tout le moins, au risque de laisser à d’autres le soin de défendre les arguments liés à l’identité Kanak au sens large du terme, dans les discussions sur la société calédonienne de demain.

LE RASSEMBLEMENT NATIONAL, UN COIN ENTRE L’UNION DES AUTONOMISTES ?

Les autonomistes présents à Paris n’ont pu présenter une ligne totalement unitaire entre les Loyalistes, l’Avenir en Confiance et Calédonie Ensemble. Dans les Nouvelles Calédoniennes, Philippe Gomès présente plusieurs explications à ce manque d’unité, parmi lesquelles « la création d’une nouvelle configuration entre le Rassemblement-LR et le Rassemblement national ». Il est vrai que ce qui peut paraître (presque) anodin au plan local, l’est infiniment moins en métropole. Témoin, la motion de censure de la Nupes, votée par les députés du Rassemblement National contre le gouvernement, et finalement repoussée. Mais également les déclarations de Jean-Luc Mélenchon laissant entendre que l’extrême gauche serait prête à présenter une alternative avec le Rassemblement National …

En revanche, que le Front National, devenu Rassemblement National, n’ait voté ni les Accords de Matignon ni celui de Nouméa n’apparaît pas comme un casus belli. Dans les rangs de l’Avenir Ensemble de 2004, parti au sein duquel Philippe Gomes jouait un rôle majeur, plusieurs responsables de premier plan du parti n’ont jamais caché leur hostilité à l’Accord de Nouméa, les Accords de Matignon ayant eux été rejetés par plus de 60% des électeurs dans la province Sud.

Au-delà de ce manque apparent d’unité, et après l’union manifestée pour les postes des élections législatives, existe-t-il entre les autonomistes des fractures insurmontables ? Probablement pas. Si l’on exclut les ambitions qui se manifestent déjà pour les prochaines provinciales, qu’elles aient lieu en 2024 ou un peu plus tard, il semble bien s’agir de querelles de personnes. Car au fond, pour qui l’Alliance avec le regroupement de soutien au président de la République serait-elle le plus préjudiciable ? Pour Marine le Pen ou pour Emmanuel Macron ?

CALÉDONIE : LA SEMAINE D’UNE NOUVELLE ÈRE

Les réunions bilatérales et celle des « partenaires » à Paris sont bien davantage qu’un rendez-vous boudé par certains invités, accepté par les autres. Elles marquent officiellement l’entrée de la Nouvelle-Calédonie dans une nouvelle ère : celle qui succède aux trente années des Accords de Matignon-Oudinot-Nouméa.

C’est en effet une page qui se tourne, après la tenue des trois référendums qui ont ponctué, comme cela était inscrit, l’Accord de Nouméa. La contestation des indépendantistes n’y change rien. Juridiquement, la loi organique de 1999 organisant la Nouvelle-Calédonie ne pourra produire que les effets permettant la continuité des institutions et de leurs services publics. 

La bouderie de plusieurs partis indépendantistes peut-elle modifier le cours du nouveau processus qui va s’engager ? La réponse est négative parce que, ainsi que l’expliquait le document de l’État sur les conséquences du Oui et du Non, le corps électoral ne peut perdurer pour les prochaines élections provinciales, et l’État sera également en droit de mettre sur la table quelques sujets de poids. Il en va ainsi de la poursuite ou non de la Mise à Disposition Globale et Gratuite des personnels de l’enseignement secondaire public comme ceux du privé. Un enjeu de 50 milliards de CFP par exemple, cela pèse !

Ainsi, pour ceux qui aiment le mot, la Calédonie va changer de paradigme cette semaine. Le temps est probablement venu de discuter, non seulement de l’inéluctable évolution du corps électoral, mais également des changements souhaitables, mais aussi inéluctables, de la société calédonienne.

En proposant de « définir les modalités du calendrier et les thématiques des discussions tripartites sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie », la Première ministre Elisabeth Borne fixe le cadre très large des discussions qui vont s’ouvrir les 27 et 28 juin. L’occasion de mettre sur la table non seulement les sujets qui fâchent, mais également ceux qui rassemblent. Ce sera, à dire vrai, l’initiative de l’État pour élaborer avec l’ensemble des partenaires calédoniens une vision de l’avenir pour le territoire. 

Beaucoup pourront dire : enfin !