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« LE MONDE D’APRÈS » : LES FANTASMES ET LES POSSIBLES

Alors que le monde actuel est en pleine crise de Covid-19, désorganisé, clivé par des frontières devenues hermétiques, alors que de nombreux pays s’endettent sans compter, et que la Nouvelle-Calédonie n’échappe pas à la règle, beaucoup parlent déjà d’un « monde d’après », où rien ne sera comme le « monde d’avant ». Pour certains, une sorte de terre promise, de paradis retrouvé, pour d’autres, une société ayant tiré les leçons positives de l’épreuve. Entre fantasmes et possibles.

INTERNATIONAL : UN MONDE ENCORE PLUS CLIVÉ, ET PLUS CONCURRENTIEL
Le Covid-19 a levé les barrières entre les Etats, mais la compétition demeure. Certains pensent que la mondialisation sera remise en cause. Foutaise. Que les Chinois de Sinovac Biotech mettent sur le marché le « coronavac », un vaccin contre le Covid-10 dont le packaging est déjà prêt, et la planète entière en sera inondée.

Certes, la France fera son possible pour favoriser une production nationale de médicaments et de produits de santé, histoire de ne plus dépendre de la Chine, mais est-ce pour autant que les entreprises françaises installées dans l’Empire du Milieu vont abandonner leurs positions ? Vue de l’esprit.

Quant au reste, notre société restera une société de consommation, même si celle-ci devient plus pertinente, notamment en matière de respect de la santé et de l’environnement. Mais la SMSP va-t-elle revendre ses participations dans son usine coréenne ? Les Calédoniens vont-ils renoncer à acheter des véhicules Toyota, Hyundai, Chevrolet, des télés Samsung, du riz de Thailande et des biscuits Arnott’s ?

L’espace Shengen sera peut être un peu plus fermé, celui des Etats Unis encore plus hermétique, mais le commerce international va reprendre de plus belle, et les prix resteront un critère de production et d’achat.

LA CALÉDONIE DEVRA SAUVER SON ÉCONOMIE ET … REMBOURSER SES DETTES
Certes, il ne faut pas de doute que, pour la durée de la pandémie et dans l’attente d’un vaccin, la « filière masque », c’est à dire beaucoup de fabrications de couturières, va perdurer. Mais avant de connaître le nouveau « paradigme », et avant de mettre en place un nouveau modèle « soutenable, équitable et résilient », les soucis du « monde d’après » seront moins enthousiasmants.

Que va devenir la SLN ? Quelle vraie pérennité pour l’usine du sud ? Comment éviter une cascade de fermetures d’entreprises, petites, moyennes, artisanales ? Quid du tourisme et de la croisière ? Comment retrouver un niveau de recettes publiques suffisant pour assurer le fonctionnement des collectivités, le redressement des comptes sociaux et le remboursement de la dette Covid ?

DANS CE CONTEXTE, LES PRIX ET LA CHERTÉ DE VIE RESTERONT UNE ATTENTE MAJEURE
Selon la Finc, la Nouvelle Calédonie devra surtout favoriser les industries locales ; la question des prix, et donc de la cherté de vie, serait reléguée au second plan dans « le monde d’après ». Sur les prix et le coût de la vie, l’association de consommateurs UFC QUE CHOISIR ne l’entend pas de cette oreille, et le contraire serait d’ailleurs une trahison de ses adhérents.

La Nouvelle Calédonie devra donc poursuivre ses efforts pour conjuguer le développement des productions locales, et l’attente des consommateurs en matière de baisse des prix dont certains, il est vrai, sont particulièrement scandaleux.

Le « monde d’après » sera ainsi une régulation plus pertinente de cette problématique. Mais n’est-ce pas déjà le projet annoncé par les équipes nouvelles, au gouvernement et à la province Sud ?

UNE ACCÉLÉRATION DES SIMPLIFICATIONS TOUS AZIMUTS ET DU NUMÉRIQUE
Là aussi, l’intention était annoncée, et l’action, était engagée. Mais la crise du Covid-19 montre la nécessité d’aller plus vite et plus loin en matière de simplifications tous azimuts, et de numérique.

Simplification ? Toutes les matières en ont besoin. Avec des réglementations, trop souvent copiées collées sur les monstres métropolitains, une propension à les complexifier davantage pour … tenir compte du contexte local, la maladie a touché la réglementation générale, la fiscalité, le bâtiment, l’enseignement ou encore l’urbanisme.

Simplifications : voilà un « monde d’après » plus sexy, celui où les citoyens, les entrepreneurs, les justiciables, les contribuables, les assurés sociaux trouveraient la vie plus facile, ou au pire, moins compliquée.

Le numérique est ainsi un formidable outil de simplification. Pas que des procédures : meetings, recherches, commercialisation, ou encore innovations en tout genre peuvent en profiter.

LA RECHERCHE D’UNE SOCIÉTÉ MOINS CARBONÉE ET PLUS RESPECTUEUSE DE SON ENVIRONNEMENT
Là encore, pas de révolution, juste une accélération : nous devons nous « verdir », notamment dans l’essentielle production d’énergie, et dans tous les secteurs de l’économie. C’est en cours.

Certes, les ayatollahs de l’écologie vont continuer à prôner, en quelque sorte, le retour à la charrue et au tissage à la main. Mais la voie sera forcément progressive, et pour l’instant, médiane. En clair, si demain, l’usine Doniambo ne crache plus sa détestable fumée, c’est tout simplement parce qu’elle aura fermé ses portes, et que plusieurs milliers de Calédoniens seront au chômage.

Il n’empêche que des filières -des vraies-, devront être développées parce que pertinentes et non polluantes. Chacun, et bien avant la crise sanitaires, a en tête le numérique, la recherche marine, ou encore l’utilisation de notre extraordinaire biodiversité.

L’ACCÉLÉRATION DES FRACTURES PROVINCIALES
« Notre » monde d’après sera aussi, faut-il le rappeler, institutionnel. Indépendance, nouveau statut, c’est un des enjeux des deux référendums où les électeurs calédoniens devront se prononcer. Mais quoi qu’il arrive, les institutions ne pourront probablement pas demeurer dans le statu quo. Les clivages, les fractures, encore amplifiées pendant la crise actuelle, montrent que le « monde institutionnel d’après » est constitué de deux grandes entités -Nord-Iles et Sud-, dont les choix vis à vis de la France, sont définitivement inconciliables.

LE « MONDE D’APRÈS » SERA SURTOUT CELUI DE LA PROBLÉMATIQUE DU TRAVAIL
Mais surtout, le monde d’après sera marqué par l’affaiblissement de notre économie et des ressources publiques. Beaucoup d’attentes du « monde d’avant » devront patienter. Beaucoup d’incertitudes vont peser sur l’emploi.

Le « monde d’après » sera surtout -et toujours- celui de la problématique du travail : travailler davantage pour retrouver les chemins de la compétitivité, ou créer du travail pour ceux qui en seront privés. C’est là, sans doute, que le cocktail Simplification/Numérique/Energies renouvelable/Economies vertes/Coût de la vie, pourra prendre le sens d’un modèle nouveau de développement. Et même s’il n’est pas forcément la résultante de la crise du Covid mais que cette dernière en a consacré l’exigence, on pourra dire alors qu’il est celui du monde d’après.

LEVÉE DU CONFINEMENT OU NON EN CALÉDONIE ? POURQUOI LA DÉCISION EST DIFFICILE

Alors que le territoire est pour l’instant plutôt épargné par la pandémie de covid-19, le délai de confinement de 15 jours fixé par les autorités arrive bientôt à échéance. Selon le dernier communiqué du gouvernement, «  Le président du gouvernement et le Haut-commissaire de la République réuniront le conseil scientifique jeudi 2 avril pour faire le point sur le confinement strict de la population et son éventuelle prolongation ». En clair, le confinement sera-t-il prolongé ou, au contraire, les Calédoniens pourront-ils à nouveau circuler librement et les élèves reprendre le chemin de l’école ? Décision bien plus difficile et plus périlleuse qu’il n’y paraît, et que ne résume certainement pas à une simple question de délai. C’est la santé de toute une population qui est effectivement en jeu. Cette question fait déjà débat pour la métropole, et un expert britannique a publié une étude qui semble faire autorité. Et qui est saisissante. Débat.

UNE SITUATION INÉDITE qui apporte chaque jour son lot de questionnement et de leçons, telle est la crise du coronavirus. Plusieurs questions sont au centre de toutes les interrogations : qui est contaminé, qui ne l’est pas, qui est immunisé, et qui ne l’est pas ? Autrement dit, en cas de levée du confinement, comment garantir que l’épidémie ne connaîtra pas un « rebond », et, en Calédonie, se répandra au sein de toute la population alors qu’un seul cas « autochtone » a, jusqu’à présent, été constaté ?

LA PRESSION DU SECTEUR ÉCONOMIQUE est prégnante, car des milliers de salariés et des centaines d’entreprises ne savent pas comment vivre, au delà du 31 mars, et parfois, survivre. Le dispositif de soutien, par les collectivités locales et l’Etat, sera sans précédent. Sera-t-il soutenable ? Probablement si la France s’engage comme elle l’a promis, mais la casse économique sera de toute façon, terrible.

Faut-il pour autant, comme l’a décidé Donald Trump pour les Etats Unis, privilégier l’économie par rapport à la santé de la population ? Cornélien, et peu probable, dans une collectivité française.

L’ÉQUIPE DE CHERCHEURS DU BRITANNIQUE NEIL FERGUSON est considérée comme l’une des meilleures équipes d’épidémiologistes au monde. C’est Neil Ferguson qui a convaincu Boris Johnson de décider, dans un second temps, les mesures de confinement pour la Grande Bretagne. Dans le cas contraire, l’expert avait avancé le chiffre de 510.000 morts en Grande Bretagne, et de 2,2 millions de morts aux Etats Unis.

L’étude de Neil Ferguson a récemment été présentée à Emmanuel Macron. Il ne fait pas de doute que ses modèles vont peser sur les conditions dans lesquelles va s’effectuer la sortie du régime de confinement. Il peut être question, non pas de semaines, mais de mois …

LE CONFINEMENT « APLATIT » LA COURBE DES INFECTIONS, mais ne stoppe pas définitivement l’épidémie, souligne cette étude. Elle étale la contamination sur une période plus longue. Plus inquiétant, les auteurs indiquent que  » plus cette stratégie sera efficace pour une neutralisation temporaire, plus importante sera l’épidémie à venir en l’absence de vaccination« .

Et de rappeler que pour la grippe pandémique de 1918, le fameuse « grippe espagnole », le monde entier a été touché en 3 phases. Et c’est la seconde phase qui a été de loin la plus mortelle …

LA FIN DE LA PANDÉMIE n’interviendra que lorsque suffisamment de personnes seront immunisées. Un norme est admise : stopper l’épidémie, c’est faire en sorte que chaque personne infectée contamine moins d’une personne en moyenne.

Pour atteindre ce résultat, il n’y a pas 36 solutions: il faut, soit avoir été infecté par le virus du Covid-19 et être guéri, soit avoir été vacciné.

POUR « SORTIR DU BROUILLARD », ET EN ATTENDANT LE VACCIN, LA SÉROLOGIE appliquée à grande échelle pour savoir qui a développé des anticorps et se trouve immunisé, et qui risque encore d’être contaminé, est le moyen avancé par de nombreux spécialistes.

La rapidité du test, sa précision par la mise en évidence d’anticorps ou non, est probablement la solution, non pas pour guérir de la maladie, mais pour aider à prendre la décision de sortie du confinement. Et décider de tout un dispositif de surveillance et d’accompagnement. Dans cette hypothèse, il faut d’abord disposer des tests qui ne sont pas encore sur le marché.

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DANS L’INTERVALLE, CERTAINES MESURES DEVRONT ÊTRE PROLONGÉES, notamment les gestes barrière et la distanciation sociale. Mais pas que.

Toujours en l’absence de vaccin, et si les mesures de confinement étaient partiellement ou intégralement levées,  poursuit l’étude de Ferguson, il serait nécessaire d’appliquer par intermittence pendant de longs mois ces différentes mesures auxquelles s’ajouteraient celles allant de l’isolation de cas à la fermeture d’écoles. Au moindre signe de retour d’un pic épidémique, des fermetures et autres confinements devraient être à nouveau mis en place pour, encore une fois, endiguer la progression de l’épidémie. En attendant d’avoir un vaccin pour en finir véritablement avec le nouveau coronavirus.

LA CALÉDONIE A LA CHANCE D’ÊTRE UNE ÎLE, et de surcroît, le gouvernement et le Haut-Commissaire ont su, en temps et en heure, prendre les bonnes décisions.

Mais pour une éventuelle levée des mesures de confinement, les questions déjà évoquées s’imposeront aux décideurs. Dans le « package » de décisions, l’ouverture ou non du ciel sera une donnée importante.

La Chine comme la Corée du Sud, déjà, après avoir claironné un quasi-endiguement de l’épidémie, doivent faire face à un regain d’infections probablement lié à des retours nombreux de citoyens. Les deux pays adoptent actuellement une stratégie consistant à effectuer un grand nombre de tests, ainsi qu’une mise en quarantaine et une distanciation sociale plus ciblées, mais de nombreuses mesures d’urgence sont encore en place.

Et rien ne dit que Pékin et Séoul ne devront pas mettre en place des mesures plus contraignantes dans les mois à venir.

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PRISE ILLÉGALE D’INTÉRÊT : LES ÉLUS DANS LE COLLIMATEUR

Non, le délit de prise illégale d’intérêt ne nécessite pas d’intention frauduleuse. Oui, le délit de prise illégale d’intérêt peut être un délit sans enrichissement personnel du coupable ni même d’intérêt direct. Oui, des relations de proches, et même … d’amitié, peuvent être constitutive de prise illégale d’intérêt. Mais quelle est cette contrainte, terrifiante pour certains, décidée par le législateur pour renforcer la probité des actes accomplis par les élus ? Décryptage.

MORALISATION DE LA VIE PUBLIQUE
Pas un mois, en métropole, sans qu’un élu ne se fasse épingler. Maires, simples élus, parlementaires, conseillers régionaux, les exemples ne manquent pas. Dernièrement, faisant suite à celle d’autres personnalités, la mise en examen, en Nouvelle-Calédonie, du député de la seconde circonscription, a défrayé la chronique locale. Ce dernier  plaide pourtant, dans l’affaire en cause, ne posséder aucune action, aucun intérêt personnel, ne bénéficier d’aucune rémunération et d’aucun avantage.

Ainsi, le renforcement des mesures visant à garantir la probité de l’action publique, la sensibilisation de la Justice à ce délit, les règlements de compte entre élus, tout cela tend à faire du risque de prise illégale d’intérêt un sujet permanent de vigilance.

Le vote, en 2017, de la loi de moralisation de la vie politique a scellé cet état de vigilance.

QU’EST-CE QUE LA PRISE ILLÉGALE D’INTÉRÊT ?
« C’est le fait, pour une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement« . Le délit est sévèrement puni : 5 ans d’emprisonnement et 9 millions CFP d’amende !

SANS ENRICHISSEMENT PERSONNEL NI … INTENTION FRAUDULEUSE
Beaucoup s’imaginent que la prise illégale d’intérêt ne peut être constituée que s’il y a eu enrichissement personnel, ou, à tout le moins, intention frauduleuse. Ils se trompent. Il y a prise illégale d’intérêt … même sans intérêt !

La Cour de Cassation a rappelé que l’infraction était constituée quand bien même les prévenus n’avaient retiré de l’opération prohibée un quelconque profit et quand bien même la collectivité n’avait subi un quelconque préjudice : « le dol général caractérisant l’élément moral du délit résulte de ce que l’acte a été accompli sciemment ». Terrifiant.

LIENS DE PARENTÉ ET MÊME … D’AMITIÉ
Dans l’acte accompli par un élu au titre de son mandat électif public, l’intérêt direct qu’il peut en retirer peut être qualifié de délit. Mais la prise illégale d’intérêt peut également être constituée par un intérêt indirect, auquel cas il est considéré comme personnellement intéressé. Conseil d’Etat ou tribunaux administratifs ont ainsi considéré que les liens de proche parenté (ascendants, descendants ou collatéraux au premier degré) conduisent à considérer l’élu comme personnellement intéressé.

La notion d’intérêt indirect va très loin puisqu’elle peut toucher des liens d’amitié ! En effet, le 5 avril 2018, la Cour de cassation a jugé que le lien d’amitié peut être constitutif de « l’intérêt » nécessaire à la caractérisation du délit de prise illégale d’intérêts. Dans cette affaire, l’élu a été poursuivi pour prise illégale d’intérêt, et son ami, pour recel de ce délit !

LANCEURS D’ALERTE ET SIGNALEMENTS
Non seulement, les dispositions légales ont été renforcées, mais un véritable cadre a été bâti pour les « lanceurs d’alerte » ou les signalements effectués par des tiers.

En particulier, la confidentialité de l’identité des personnes effectuant un signalement est garantie. Il est même prévu que les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués, sauf à l’autorité judiciaire, qu’avec le consentement de celui-ci.

PRUDENCE DES ÉLUS ET PROBITÉ
Toutes ces dispositions incitent les élus à renforcer leur vigilance sur les situations présentant, à un moment ou un autre, un risque de délit.

L‘attention des contrôles de légalité, mais également, les signalements effectués par des particuliers ou même des associations comme Anticor (pour anti corruption), la plus connue d’entre elles, constituent des contraintes nouvelles au rôle et à la fonction d’un élu.

Phénomène de société, l’existence des réseaux sociaux ne fait qu’amplifier l’observation des situations supposées ou non irrégulières, ce qui n’exclue malheureusement pas, de prétendus « lancements d’alerte » relevant de la malveillance.