Lorsque la France et la Nouvelle-Calédonie ouvrirent une histoire commune, avec ses parts d’ombre et de lumière, quelle était l’organisation politique de l’archipel, avant d’être bouleversée par les différentes décisions prises à l’époque coloniale ? Le préambule de l’Accord de Nouméa est, sur ce point, étrangement muet. Il évoque les hommes et les femmes « dénommés Kanak », leur civilisation propre, leur lien à la terre. Mais point de focus sur cette organisation politique « indigène ».
Or, lorsque les premiers missionnaires, puis les premiers colonisateurs s’installèrent, il n’existait pas de « peuple kanak » au sens d’un « ensemble des personnes soumises aux mêmes lois et qui forment une nation« . En revanche, de véritables nations kanak étaient établies, distinctes les unes des autres, chacune d’entre elles possédant un territoire, une langue, des mythes qui leurs étaient propres, et une véritable organisation sociale. Une vraie analogie avec les « premières nations » reconnues au Canada.
Depuis, et en dépit des déstructurations provoquées depuis 1853, la notion de « peuple kanak » a été imposée par l’action politique. Mais la réalité culturelle et coutumière est toute autre.
Ainsi, dans la culture kanak, chaque chef est chef chez lui. Le chef de clan, comme le Grand Chef. Viendrait-il l’idée au chef de Belep de vouloir dicter sa loi à Kunié ?
C’est ainsi que le Sénat Coutumier n’a jamais existé dans l’histoire des coutumes. Il a été créé par les politiques, et mis en forme par des technocrates parisiens, pour être intégré dans l’Accord de Nouméa. Une sorte de volonté d’affirmer la reconnaissance de l’identité kanak, sauf que cette initiative maladroite méconnait justement l’identité kanak. S’en sont donc suivis des conflits internes, dont le dernier a du être tranché par … la Justice française. Il en a été de même pour certaines décisions davantage à caractère politique que coutumier, telle l’instauration d’un « deuil kanak » pour une durée d’un an lors de la crise Covid. Le deuil, son organisation, relèvent d’une décision interne de la famille et du clan. Au nom de quoi une organisation générale se substituerait-elle à des rites intimes répondant à des critères rigoureux, ainsi que le rapporte Dominique Bretteville dans « L’os et le Souffle – Protocole et valeurs ultimes chez les Paimboas » ?
Tout cela relève, de tous côtés, d’une sorte de contournement qui a trouvé ses limites. Il serait peut être temps de manifester un vrai respect de la Coutume, plutôt que le proclamer tout en ne faisant pas le meilleur cas de ses règles séculaires.
Le vrai pouvoir coutumier est exercé … par les coutumiers. Le clan en est la structure de base. Les clans concernés conduisent à l’organisation des anciennes « premières nations », elles-mêmes géographiquement limitées. Ils consacrent, en particulier, l’autorité qui les guide. C’est ce retour aux sources qui doit dicter le traitement de ce sujet particulier du pouvoir coutumier, de sa reconnaissance, et de sa cohabitation avec la démocratie et les règles qui sont celles d’aujourd’hui.
