LES INDÉPENDANTISTES DU TAVINI POUR 5 ANS À LA TÊTE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

C’est un nouveau séisme qui secoue la Polynésie française. Le Tavini, parti indépendantiste fondé par Oscar Temaru en 1977, est sorti grand vainqueur des élections territoriales qui se sont déroulées ce week end avec 44,3%.

Sur le papier, l’alliance signée entre le Tapura d’Edouard Fritch et le parti de Gaston Flosse était susceptible de remporter la majorité. Mais en politique, 1+1 font rarement 2, et c’est ce qui s’est produit ce dimanche polynésien. L’alliance réalise 38,5%. Le troisième parti A Here Ia Polinetia, autonomiste,  participant au second tour, récolte 17,2%.

Le système électoral polynésien prévoit une prime au parti qui sort en tête de l’élection, lui assurant ainsi une majorité stable. La Polynésie va-t-elle céder aux voix de l’indépendance, et s’éloigner progressivement de la France ? Quelle sera la politique du Tavini pendant 5 ans ? Éléments de réponse.

UNE FORTE OPPOSITION À ÉDOUARD FRITCH ET UN DÉSIR DE CHANGEMENT
Lors des élections législatives qui se sont soldées par un grand chelem du Tavini, un véritable front anti-Fritch s’était dressé contre les candidats de son parti. Pour quelles raisons ? Elles sont probablement mutiples. La gestion de la crise sanitaire par le gouvernement en place avait fait l’objet de sévères critiques. Cette période avait été émaillée par le mariage avec un certain faste le 5 août 2021 de Tearii Alpha, vice-président pendant la période du covid et dérogeant aux règles en vigueur. Cet événement s’était aggravé par son refus de se faire vacciner. Ces faits avaient été très mal vécus par la classe politique mais surtout par la population. Un manque d’exemplarité de l’ex-vice président du Pays alors que les restrictions sanitaires s’imposaient en principe à tout le monde.

Les résultats du scrutin de dimanche sont frappants, à cet égard : le Tavini progresse de 28.000 voix pour totaliser 64.551 voix, tandis que le Tapura perd 14.000 voix avec son allié, pour un résultat de 56.117 voix. On pourrait malgré tout conclure qu’au total, les voix autonomistes (le A Here Ia Polinetia recueille 24.988 voix) sont plus nombreuses que celles de indépendantistes, mais pour l’heure, c’est bien le Tavini qui va être aux commandes. A l’Assemblée Territoriale de 57 sièges, il disposera de la majorité absolue avec 38 sièges, contre 16 au Tapura et 3 au A Here Ia Polinetia.

Autre cause possible de ce résultat : le Tavini a choisi le renouvellement de ses cadres, tandis que l’alliance Fritch-Flosse, même si ce dernier n’était pas candidat, a semblé usée. Les Polynésiens ont probablement exprimé un désir de changement. Celui-ci a été d’autant plus facile à exprimer que le Tavini s’est montré discret sur les objectifs de l’indépendance, préférant mettre la lutte contre les inégalités au cœur du débat.

VIE CHÈRE, TAXES, DÉCOLONISATION
Que va-t-il se passer désormais pour les Polynésiens ? Deux voix se sont exprimées, qui donnent globalement une orientation pour la politique qui sera menée en Polynésie. Celle de Temataï Le Gayic, député Tavini mais également futur élu à l’Assemblée Territoriale, qui rappelle que, en dépit de son programme social, le Tavini n’a jamais caché sa volonté d’indépendance, et indiqué que le processus de décolonisation devrait être enclenché par la France.

Pour Oscar Temaru, s’exprimant au micro de NC1ère, « l’État ne peut avoir d’autre interlocuteur que le Tavini », et rappelant que ses représentants seront présents à l’Onu en octobre prochain, assure que qu’il sera possible « d’éradiquer la pauvreté grâce à l’accession à la souveraineté ».

Le nouveau président de la Polynésie devrait être Moetaï Brotherson, dont le programme pourrait être essentiellement social et fiscal. Pour Oscar Temaru, le prochain rendez-vous important sera celui de l’Onu en octobre prochain, où il arrivera évidemment en position de force.

Le monde économique ne fait, pour l’instant, que constater le bouleversement électoral. Mais il ne fait pas de doute que la stabilité du territoire risque d’être mise à mal, surtout si les relations avec l’État s’assombrissent. Le gouvernement français, pour l’heure, « prend acte ».

« Les Polynésiens ont voté pour le changement. Le Gouvernement prend acte de ce choix démocratique », a réagi Gérald Darmanin sur Twitter.« Nous travaillerons avec la majorité nouvellement élue avec engagement et rigueur, pour continuer d’améliorer le quotidien de nos concitoyens polynésiens ».

Pour lui, cependant, la situation dans le Pacifique se complique. Gouvernement indépendantiste en Nouvelle-Calédonie, prochainement, gouvernement indépendantiste en Polynésie. S’agissant de l’axe Indo-Pacifique, il faudra bien faire avec.

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