L’ÉTONNANT « APPEL AU SECOURS » DU PRÉSIDENT DE L’UC AUX « CALÉDONIENS ». DÉCRYPTAGE

Dans un reportage présenté lundi soir au journal TV de NC1ère, Daniel Goa, président de l’Union Calédonienne, « explicitant » son discours controversé d’ouverture du dernier Comité directeur de son parti, déclare : « Si vous regardez bien le discours là, il y a deux parties. Première partie, elle s’adresse aux Calédoniens et c’est, à la limite, un appel au secours du peuple kanak qui a besoin de recouvrer sa dignité, et un appel aux Calédoniens à faire le pays ensemble. C’est « l’accord » de Nainvilles-les-Roches de 1983 ».

Il faut d’abord noter la référence aux « peuples » à plusieurs reprises. A la page 3 du discours qu’il a prononcé, on trouve : « Quelle option l’État laisse-t-il au peuple KANAK, peuple de cette terre et au peuple Calédonien issu de l’accord de Nouméa, socle de notre citoyenneté, face aux conséquences de cette décision ?« 

A la page 4, Daniel Goa évoque les « peuples Outre-mer », expression inscrite par ailleurs dans la rédaction première de la Constitution de 1958 : « Cette période de colonisation doit être éradiquée et l’Etat, s’il veut garder des liens étroits et sincères, doit repenser ses relations avec nos pays outremers, car ces peuples outremer, aspirent à leur liberté et n’acceptent plus d’être sous sujétion d’un autre pays. »

Un peu plus bas : « C’est le peuple qui doit décider de son devenir car cette question reste fondamentale pour notre avenir, celui de nos enfants et de nos populations accueillies, victimes de l’histoire ».

A la page 6, un paragraphe intéressant concerne le contexte humain océanien : « Le monde KANAK et OCEANIEN ont une tradition d’accueil millénaire, tout le monde a sa place dans ce pays, mais à sa place, pas à la place des autres. En Océanie on s’assied et on discute, on n’impose pas ».

Puis la conclusion à la page 6 : « Militantes et militants, je vous laisse à de fructueux travaux, portez le message dans toutes les structures de la société, allez vers vos frères calédoniens, fiers de toutes les ethnies mélangées, ceux que l’on a reconnu comme peuple calédonien,(…) ».

Ces relevés du discours méritent plusieurs observations et commentaires, tout en laissant, évidemment, leur signification originale à celui qui les a prononcés.

La première observation concerne l’usage répété de la notion de peuple. Il est bien sûr question du « peuple kanak », mais à la page 3, il évoque le « peuple calédonien issu de l’Accord de Nouméa ». A la page 4, c’est cette fois les « peuples outremer » qui sont cités, et qui, selon le président de l’UC, aspirent à leur liberté et n’acceptent plus d’être sous sujétion d’un autre pays. En fin de discours, il évoque « toutes les ethnies mélangées, ceux que l’on a reconnu comme peuple calédonien ». La question, pour l’instant sans réponse précise, est celle de savoir comment est constitué ce peuple calédonien que le président de l’UC distingue du peuple kanak dans sa phrase « Quelle option l’état laisse-t-il au peuple KANAK, peuple de cette terre et au peuple Calédonien issu de l’accord de Nouméa (…) ».

Deux interprétations, au moins, sont possibles : le « peuple calédonien », formé « de toutes les ethnies mélangées« , est constitué par toutes celles et ceux qui vivent durablement en Nouvelle-Calédonie et qui ne se rattachent pas au « peuple kanak », ou bien ce « peuple calédonien » est restreint aux « victimes de l’histoire », terme créé lors de la table ronde de Nainvilles-les-Roches, à laquelle Daniel Goa fait allusion.

La seconde observation est justement relative à la conclusion de la « table ronde » de Nainvilles-les-Roches en juillet 1983. Daniel Goa interprète la première partie de son discours comme « un appel au secours » en se fondant sur « l’accord » de Nainvilles-les-Roches. Or, il n’y a jamais eu d’accord à l’issue de cet épisode qui réunissait à Nainvilles-les-Roches, à l’initiative de Georges Lemoine, alors Secrétaire d’État à l’Outre-mer, le Front indépendantistes, la FNSC et le RPCR. Le RPCR (Victorin Boewa, André Caillard, Georges Faure, Jacques Lafleur, Jean Lèques, Auguste Parawi-Reybas, Dick Ukeiwé, Atélémo Taofifenua et Yves Tissandier) a quitté la réunion avant sa fin. Dans son livre « L’assiégé », Jacques Lafleur en personne rapporte à ce sujet : « après quelques heures de discussion, nous avons eu la certitude qu’il s’agissait bien d’un guet-apens. J’ai dit à Georges Lemoine que nous ne signerions aucun document et que nous allions quitter la réunion le jour même ». Finalement, sur l’insistance du Secrétaire d’État, le RPCR est resté quelques jours sans participer aux discussions, puis est parti sans signer quoi que ce soit. « L’accord » de Nainvilles-les-Roches n’existe donc pas. Il s’agit d’une « déclaration finale », laquelle a été contestée par le RPCR qui obtint, par la suite, la majorité des suffrages aux premières élections provinciales.

Ainsi, le fondement et le sens de « l’appel au secours » lancé, selon Daniel Goa, aux « Calédoniens » suscite plusieurs interrogations. Pour l’heure, la démarche indépendantiste consiste en une demande d’accession à l’indépendance au peuple kanak, sans passer par la case « consultation des populations intéressées ». En quoi, le « secours » de celles et ceux qui seraient … exclus d’un choix qui les concerne pourrait-il consister ? Le sujet, à tout le moins, pose question.

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