QUE VA-T-IL SE PASSER, MAINTENANT QUE LES BILATÉRALES À PARIS ONT EU LIEU ?

Les bilatérales ont enfin eu lieu à Paris. Certes, elles avaient été précédées de celles tenues à Nouméa lors du dernier séjour de Gérald Darmanin. Mais cette fois, indépendantistes et non-indépendantistes ont rencontré la cheffe du gouvernement français, Élisabeth Borne.

Chaque délégation a présenté ses résolutions, fait part de ses attentes. Le FLNKS était présent. Étape importante pour le gouvernement, depuis la brouille consécutive au troisième référendum. La Première ministre l’a relevé dans son communiqué : « Le déplacement de la délégation du FLNKS marque une nouvelle étape importante car, pour la première fois depuis le 3ème référendum du 12 décembre 2021, l’ensemble des forces politiques calédoniennes seront présentes à Paris pour des échanges politiques. »

Une fois ce travail de présentation effectué, que reste-t-il à faire ? Ce que prévoit l’Accord de Nouméa en cas de refus de l’indépendance, à son point 5 : « si la réponse [à la troisième consultation] est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée ».

Les premières réunions ont donc eu lieu sous forme de bilatérales. Mais « les partenaires » ne se sont pas encore réunis tel que le prévoit l’Accord. En revanche, s’agissant de la « situation ainsi créée », plusieurs éclairages ont été délivrés, résumés dans le rapport d’information du 27 juillet 2022 du Sénat.

UN CORPS ÉLECTORAL « GELÉ »
QUI NE PEUT LÉGALEMENT PERDURER

Il y est rappelé que (…) « L’accord de Nouméa ainsi que la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie contiennent nombre d’innovations juridiques qui constituent autant de dérogations à des principes constitutionnellement protégés, qui ont justifié la révision constitutionnelle de 1998 .

« À titre d’exemple, la création d’une citoyenneté calédonienne ouvrant des droits en matière électorale et instituant une préférence pour l’accès à l’emploi et au foncier à ses seuls détenteurs déroge aux principes d’égalité et d’universalité du suffrage, de droit à la propriété privée et d’égal accès au travail.

« Ces dérogations aux principes constitutionnels n’ont été jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel qu’en raison de leur caractère « limité et temporaire »).

« De la même manière, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé conformes au protocole n° 1 de la Convention européenne les « restrictions mises pour pouvoir participer aux élections du Congrès et des assemblées de province en Nouvelle-Calédonie » en raison notamment du caractère « inachevé et transitoire » du statut de la Nouvelle-Calédonie.

« En conséquence, Ferdinand Mélin-Soucramanien et Alain Christnacht émettent des réserves quant à la possibilité d’organiser les prochaines élections provinciales en 2024 selon les modalités dérogatoires mais transitoires ainsi prévues par l’accord de Nouméa (…) » .

CE QUE PRÉVOIT LA DÉCLARATION
DES DROITS DE L’HOMME
ET LA CHARTE DES NATIONS UNIES

Autre élément de poids , d’autant plus important que l’enceinte est considérée comme son principal recours par le FLNKS : l’Onu. Or que stipule la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies à Paris en 1948, dans son article 21 ?
« 1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis. 
2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.
3. La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.
« 
L’Onu, elle aussi, n’a admis le « gel » du corps électoral calédonien que parce qu’il s’inscrivait dans une « période transitoire ».

AUCUNE INDÉPENDANCE NE PEUT ÊTRE ACCORDÉE
SANS LA CONSULTATION
DES POPULATIONS INTÉRESSÉES

S’agissant d’une éventuelle indépendance résultant d’un accord bilatéral entre la France, et un mouvement politique, la Constitution est claire. Ce processus est anti-constitutionnel et nécessite la consultation des populations intéressées.

Quant à l’Onu, sa Charte précise, dans le chapitre consacré aux territoires non autonomes : « Les Membres des Nations Unies qui ont ou qui assument la responsabilité d’administrer des territoires dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes reconnaissent le principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. » Il n’est en aucun cas fait mention de distinction entre les « habitants », au titre notamment de leur antériorité de présence.

Ainsi, au point b du chapitre, la « mission sacrée » des membres de l’Onu est, pour ce qui concerne les territoires non autonomes, « de développer leur capacité de s’administrer elles-mêmes, de tenir compte des aspirations politiques des populations et de les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques, dans la mesure appropriée aux conditions particulières de chaque territoire et de ses populations et à leurs degrés variables de développement« .

AVANT DE SE RENDRE EN NOUVELLE-CALÉDONIE,
GÉRALD DARMANIN
FERA UN DÉPLACEMENT À L’ONU

En février 2022, Sébastien Lecornu, alors ministre des Outre-mer, avait rencontré le Comité des 24 pour lui rendre compte des évolutions survenues en Nouvelle-Calédonie. Puis il s’était entretenu avec la Secrétaire générale adjointe de l’Onu en charge des questions politiques, afin, en particulier, « de poursuivre la coopération sur le processus calédonien, notamment par l’apport des Nations-Unies en matière d’expertise électorale (…) » selon les termes du communiqué du MOM.

A l’issue des bilatérales, le ministère de l’intérieur et des Outre-mer a indiqué, concernant le ministre : « Il se rendra de nouveau en Nouvelle-Calédonie en juin prochain pour poursuivre les négociations. Avant cette échéance, Gérald DARMANIN se rendra à New-York au mois de mai pour évoquer la situation de la Nouvelle-Calédonie devant le Comité spécial de la décolonisation des Nations-Unies, dit Comité C24. »

CHACUN A AFFICHÉ SA « TRAJECTOIRE »

Ainsi, lors de sa venue annoncée pour le mois de juin, Gérald Darmanin ne manquera pas d’arguments pour discuter du point « chaud » que constitue le régime électoral. Pour le processus d’autodétermination, la régle est également inscrite dans la Constitution.

Le FLNKS a affiché sa « trajectoire » : une indépendance concédée sans consultation, et rien d’autre avant ce préalable. Face à cette position politique, les arguments juridiques incontournables, aussi bien sur le plan national qu’européen et international, suffiront-ils à permettre l’ouverture d’une négociation ?

Gérald Darmanin a, lui aussi, affiché sa « trajectoire ». Elle comprend notamment un révision de la Constitution pour rendre conforme le droit électoral calédonien, et la tenue d’élections provinciales en mai 2024. Mais il entend bien, probablement, ne pas se restreindre à ces seuls sujets. Tandis que les indépendantistes doivent gérer la Nouvelle-Calédonie et son cortège de difficultés financières, et alors que la SLN est en péril, il sait bien que celle de KNS ne l’est pas moins. Par exemple.

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