C’est une divine surprise qui a marqué la fin de l’année 2022 pour le « ministre » du budget. Les rendements fiscaux ont atteint des niveaux records depuis 2015. Ainsi, la TGC a été à son plus niveau depuis sa création avec 48,5 milliards de rendement ! Tout cela a entraîné des plus-values de recettes sur l’exercice de l’an passé, ressources supplémentaires qui ont, par anticipation, été prises en compte dans l’élaboration du projet de budget 2023.
Pour faire simple, ces reprises, une approche plus positive des ressources en 2023, des économies et des réductions de dépenses permettent à l’Exécutif de présenter un projet de budget à l’équilibre.
UN ÉQUILIBRE EN TROMPE L’ŒIL
Mais il ne faut pas s’y tromper. Ces bonnes nouvelles vont profiter aux provinces et aux communes, mais pas suffisamment à la collectivité Nouvelle Calédonie dont les ratios demeurent dans le rouge. Par ailleurs, le gouvernement a toujours dans ses tablettes une série de mesures fiscales qui seront présentées au Congrès. En outre, si les dépenses obligatoires sont inscrites, un certain nombre d’autres dépenses ne sont pas financées et renvoyées à plus tard. Elles se montent à une fourchette comprise entre 12 et 17 milliards.
En clair, si le document comptable du budget pourra être soumis au Congrès dans les jours à venir, tous les problèmes budgétaires ne sont pas réglés. Et l’on parle à nouveau d’un coup de pouce de l’État … Décryptage
COMMENT EXPLIQUER CES MILLIARDS DE RENTRÉES FISCALES SUPPLÉMENTAIRES ?
Alors que tous les secteurs publics et privés de Nouvelle Calédonie sont, peu ou prou, dans le rouge, comment expliquer ces résultats exceptionnels enregistrés à la clôture de l’année 2022 ?
Sans être péremptoire, et sans occulter les effets de l’inflation dans la croissance des recettes, le gouvernement évoque plusieurs facteurs :
- Un rebond de l’économie avec une hausse de la valeur CAF et une hausse des volumes importés (+11%), et l’emploi qui croît de 4%, ce qui génère des recettes de TGC (+ 4 milliards), de douane (+1,9 milliard), et de l’IRPP (+856 millions), un Impôt sur les sociétés à + 4 milliards, un IS35 à + 580 millions, une TSS métallurgie à + 503 millions,
- Une hausse des transactions immobilières portées par un taux d’intérêt bas : 1,3 milliards de plus en droits d’enregistrement,
- Les mesures qui ont touché la CSS (+406 millions), l’alcool ou l’électricité (+461 millions),
- Une hausse de la taxe de soutien aux produits agricoles (+381 millions), de la taxe sur la transition énergétique (+270 millions), de la contribution sociale additionnelle à l’IS (+806 millions), de la taxe sur les jeux (+420 millions),
- Des recettes exceptionnelles liées à des redressements fiscaux ou des contentieux.
L’Agence Sanitaire et Sociale percevra 2,6 milliards de plus.
UN BONUS POUR TOUTES LES COLLECTIVITÉS
Consécutivement à ces bons résultats 2022, les collectivités locales vont se répartir par anticipation 13,5 milliards supplémentaires.
7,5 milliards iront aux provinces, 539 millions aux communes, et 5,4 milliards à la Nouvelle Calédonie.
LES POINTS NOIRS QUI DEMEURENT
Pour autant, la Nouvelle Calédonie a atteint un niveau d’endettement record : 201% pour un encours de 80 milliards. Mais il est vrai que le Covid, ses effets sanitaires, sociaux et économiques ont coûté cher : un emprunt de 28,6 milliards en 2020, un autre de 20,8 milliards en 2022.
La trésorerie est en berne, tandis que le fonds de roulement est largement au dessous des ratios.
Restent les problèmes pendants à résoudre : les difficultés de la clinique de Nouville, la situation de la CLR, celle d’Enercal, ainsi que la prise en charge de l’aide médicale. Et bien entendu, l’équilibre des comptes sociaux et le sauvetage du Ruamm.
C’est sous ces auspices, à la fois encourageantes et inquiétantes, que se présente l’élaboration du budget 2023.
2023 : UN BUDGET EN ÉQUILIBRE … AVEC UNE IMPASSE DE 12 À 17 MILLIARDS SUR DES DÉPENSES IMPORTANTES
L’option choisie par le gouvernement repose sur une assiette nette de répartition à hauteur de 108 milliards qui permettra d’atteindre l’équilibre. Mais ce scénario impose, pour l’instant, de « reporter » entre 12 et 17 milliards de dépenses importantes.
Cette impasse concerne le Ruamm dont les besoins complémentaires sont évalués à 5 milliards, Enercal (besoins de 1 à 5 milliards), le régime handicap (1,6 milliard), les investissements hors contrats de développement (2 à 3 milliards), l’enseignement primaire (600 millions) et certains dispositifs pour le second semestre (800 millions).
Pour assurer néanmoins ces charges, le gouvernement compte sur une éventuelle aide de l’État, des réductions de dépenses, la recherche de financements extérieurs, et surtout sur la mise en place de nouveaux impôts pour une première tranche de 8 milliards.
DES PERSPECTIVES TRACÉES AVEC UN AGGRAVATION CONSIDÉRABLE DE LA PRESSION FISCALE
Le rapport déposé pour le débat d’orientation budgétaire trace des perspectives pour les exercices 2023 et 2024. Elles sont assises sur des ressources fiscales supplémentaires, une quasi absence de recours à l’emprunt et une maîtrise de la masse salariale.
Dans ce scénario et pour la Nouvelle Calédonie, grâce à la taxe sur le sucre et la réforme du système de santé, la dotation à l’Agence de Santé diminue, celles de l’Adanc, du Port Autonome et du Gie restent stables, mais la recette de répartition passe de 25 milliards à 34 milliards.
Quant aux impôts en instance, le gouvernement espère leur vote cette année :
- La taxe sur les plus-values immobilières,
- La taxe sur les croisières,
- La taxe sur les produits sucrés
- La refonte de la TGC,
- La réforme de l’IRPP
- La taxation des Mutuelles,
- La taxe sur les valeurs mobilières
- La redevance routière ou encore
- La contribution foncière.
Le projet de budget devrait être déposé sur le bureau du Congrès dans les jours à venir. Les débats vifs qui se sont produits au Congrès devraient donc se poursuivre en commission puis en séance.