
Les leaders indépendantistes actuels portent la responsabilité d’avoir promis l’indépendance à leurs troupes. Cette affirmation péremptoire est portée depuis des décennies par eux, et certains responsables plus jeunes ont repris à leur compte cet engagement. Plusieurs échéances avaient été même fixées. On se souvient du slogan répété à l’envi -et fort imprudemment- par un leader aujourd’hui disparu : « Kanaky en 2014, ce n’est pas négociable ». Las, la promesse ne s’est pas réalisée …
Lors de la récente campagne législative, la candidate indépendantiste de la première circonscription a déclaré sans ambages, à propos des bilatérales : « nous on va discuter avec le patron, on ne va pas discuter avec les petits employés » (…) « nous voulons dire que nous contestons ces résultats (du troisième référendum-Ndlr) et que nous voulons l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté »(…). A plusieurs reprises, elle aussi a repris le slogan selon lequel l’accession à la pleine souveraineté n’était « pas négociable ».
Ces leaders ne mesurent pas tous à quel point, ce qu’ils utilisent comme éléments de langage est pris pour argent comptant par les militants les plus déterminés. Or, promettre ce que l’on ne peut tenir peut alors comporter quelques risques. C’est sûrement ce que pensent les responsables actuels qui furent proches de Jean-Marie Tjibaou et de Yeiwene Yeiwene.
Quels furent en effet les ressorts par lesquels furent commis les tragiques assassinats de deux leaders à Ouvéa en 1989 ?
Dans l’esprit des militants les plus exaltés, dans le contexte jusqu’au-boutiste de la prise d’otage d’Ouvéa et son dénouement dramatique, la signature d’un accord, en juin 1988, dénommé Accords de Matignon, ne signifiait pas l’accession de la Nouvelle Calédonie à l’indépendance. Bien sûr, un référendum d’autodétermination était prévu dix ans plus tard. Mais avec un corps électoral différent de celui que les leaders indépendantistes avaient présenté dans l’accession à l’indépendance Kanak et Socialiste. Or, un accord comporte toujours une part de concessions. Dans le cas des Accords de Matignon, ces concessions furent interprétées comme un renoncement.
Depuis lors, les successeurs des deux leaders disparus se sont refusés à présenter à leurs troupes une autre certitude que celle de l’accession à la pleine souveraineté. Bien sûr, il y a eu l’Accord de Nouméa. Mais celui-ci, grâce au processus de transferts de compétences et des trois référendums de sortie, a permis d’entretenir le mythe d’une inéluctable accession à l’indépendance.
Aujourd’hui, aucun leader indépendantiste n’aura le courage d’expliquer que finalement, celle-ci n’est pas réaliste. Dans l’esprit de chacun, un accord pourrait être interprété comme un nouveau renoncement, avec éventuellement, les conséquences que l’on peut imaginer …
C’est toute la problématique du contenu des bilatérales et de la convention des partenaires. Les indépendantistes, pour les raisons énoncées, ne peuvent pas signer un quelconque accord n’ouvrant pas une perspective, si mince fut-elle, vers une possible indépendance.
Une alternative existe cependant peut être. Elle est inscrite dans la conception que les uns et les autres se font de la souveraineté. Jean-Marie Tjibaou estimait lui, avec subtilité, que la réelle question était celle des « interdépendances ». De la matière pour les politiques, les juristes et plus particulièrement, les constitutionnalistes.