LA DISPARITION DE LKU : QUELLES CONSÉQUENCES ?

Qu’on l’apprécie, qu’on le craigne ou qu’on le déteste, Louis Kotra Uregei est une personnalité syndicale, puis politique qui a marqué le paysage politique et social de la Nouvelle Calédonie.

La création, en 1981, du Syndicat des Travailleurs Kanak et des Exploités dont il est le moteur dessine un tournant dans les relations sociales au sein des entreprises par la radicalité nouvelle qu’il introduit. Cette radicalité se manifeste non seulement dans les méthodes, mais également dans l’argumentation sociologique. Il vise à réunir notamment « les travailleurs kanak ». Le STKE compte alors parmi son Bureau des personnalités comme Hneko Hnepeune dont le parcours prendra ensuite les chemins de la politique. L’année suivante, le syndicat qui a pris de l’envergue devient l’Union des Syndicats des Travailleurs Kanak et des Exploités. 

L’USTKE est également le premier syndicat à inscrire dans ses statuts un objectif politique : l’indépendance de la Nouvelle Calédonie. Cette particularité est affirmée dans ses statuts ainsi que dans leur révision de 2018 qui stipule, dans son préambule, que « L’USTKE se détermine en conséquence pour l’accession à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie et pour la socialisation des moyens de production et d’échange. Elle s’engage donc dans la lutte pour l’Indépendance Kanak Socialiste. »

Au nom de ce combat politico-syndical, d’ailleurs, l’USTKE est présente dans la délégation indépendantiste qui négocie  en 1988 les Accords de Matignon, donc Louis Kotra Uregei est signataire.

Poids lourd de la vie syndicale calédonienne, « LKU » comme on le surnomme, va décider de prendre totalement part au débat politique en 2007. A cette date, il crée le Parti Travailliste, dont l’ossature militante est composée de fidèles de l’USTKE. Ce nouveau parti va peser lourd avec des élus aux Iles Loyauté ainsi que dans la province Nord en 2009. Depuis, sa représentation a disparu dans le Nord, et s’est maintenue aux Iles. En 2019, Louis Kotra Uregei démissionne de tous ses mandats, déclarant : « Je considère qu’avoir une représentation dans les institutions ne sert plus à rien. J’ai toujours un engagement au niveau syndical et je continuerai à porter les dossiers à ce niveau.« 

Pourtant, père fondateur de l’USTKE et président du Parti Travailliste, il demeure le véritable patron de ces formations. Sa récente saillie contre Milakulo Tukumuli et l’Éveil Océanien l’a encore prouvé.

Sa disparition aura-t-elle des conséquences ?

Assurément, aussi bien pour le Parti Travailliste, pour l’USTKE que pour la vie politique locale.

Au Parti Travailliste comme à l’USTKE, les successeurs à venir ou en place ne peuvent évidemment détenir le même charisme, et encore moins la même influence. Fonctionnellement, bien sûr, les successions ont déjà eu lieu ou viendront rapidement. Mais n’est pas LKU qui veut ! Dans ces deux organisations, l’image et la réputation du leader ont été, si l’on peut dire, un avantage marketing difficilement remplaçable.

Est-ce à dire que l’USTKE et le Parti travailliste sont promis à un déclin ? L’action syndicale pourra demeurer, en se fondant sur la radicalité et l’engagement politique. Mais dans des actions comme celle entreprise à Air Calédonie, les dirigeants devront se ménager des marges de réussite, à défaut desquelles, le militantisme pourrait refluer.

Pour ce qui est de la politique, les choses risquent d’être plus difficiles. Le Parti Travailliste a reculé depuis sa création, et l’on voit mal comment, après la disparation de son chef influent et charismatique, il pourra perdurer en l’état lors de prochaines élections.

Dans l’intervalle, le parti dispose toujours d’une élue au Congrès. Une seule voix, mais qui déjà, a contribué à faire chuter l’Union Calédonienne et son allié Océanien lors des dernières élections du gouvernement calédonien. Un ultime tour joué par LKU, un peu dégoûté de la politique, avant de tirer sa révérence.