En dénonçant l’accord qu’il avait signé au nom du Palika, Jean Pierre Djaiwé a quasiment sonné la rupture du contrat de « stabilité institutionnelle 2022-2024 » conclu entre les formations politique indépendantistes et l’Éveil Océanien. Comment une telle volte-face, a mépris de l’engagement porté par une signature, est-elle survenue ? Quelles en devraient-être les conséquences ? Décryptage.
Le premier à s’être élevé contre le dit accord a été Louis Kotra Uregei et le Parti Travailliste. Par les reproches : l’absence de consultation de ce partenaire au sein de la mouvance indépendantiste, et de nombreux points de désaccord sur le « New Deal » proposé par Milakulo Tukumuli dans son programme de 2019 lors des élections provinciales.
Celui-ci comporte en effet plusieurs mesures ultra-libérales qui vont même au-delà de ce qu’auraient osé proposer aussi bien la confédération Ensemble que le Rassemblement. Parmi celles-ci, citons :
- 100% de baisse sur la part salariale des charges sociales pour les salaires inférieurs à 200.000F et de 50% sur la part patronale ;
- 50% de baisse sur la part salariale des charges sociales pour les salaires inférieurs à 250.000F et de 25% sur la part patronale ;
- La TGC ramenée à deux taux, 4% et 15% (avec la suppression du taux à 0%) ;
- La Suppression totale de la part patronale des charges sociales pour les entreprises de production locale sous la stricte condition que ces entreprises ne commercialisent aucun produit importé vendu en tant que tel ;
- La suppression des restrictions d’importations : annulation des mesures dites « stop » ainsi que des quotas d’importation ;
- La suppression des monopoles de l’OPT, de l’Ocef et d’Air Calédonie ;
- La suppression de toutes les charges fiscales et sociales pour les entreprises locales dont le chiffres d’affaires est inférieur à 50 millions ;
- La suppression du contrôle des prix pour les petites structures de distribution.
A la lecture de ces dispositions auxquelles personne ne peut rester indifférent, et sûrement pas une fraction des indépendantistes, on peut en effet s’interroger. Elles sont évidemment contraires à la ligne du Parti Travailliste qui les assimilent en majorité à « des cadeaux faits aux patrons ». Quant à la suppression de toutes les exonérations de TGC, y compris pour les entreprises du secteur du nickel, cette mesure a certainement fait bondir les responsables nickel de la province Nord …
La question est maintenant celle des conséquences de cette rupture. Concrètement, l’Eveil Océanien a une nouvelle fois quitté le groupe du Congrès de l’UC/FLNKS/Nationalistes. Il ne fait pas de doute que sa crédibilité a été ébranlée, aussi bien en interne que pour les acteurs et les observateurs politiques.
Pour Rock Wamytan, le boulet n’est pas passé loin. L’accord a tenu le temps de son élection … et de celle de Milakulo Tukumuli à la présidence de la Commission Permanente. Pour le reste, et notamment au gouvernement président par un responsable du Palika, l’Éveil Océanien pourra repasser, comme on dit.
Mais c’est le concept de majorité institutionnelle qui se pose désormais. Les élus du parti océanien ont la terrifiante faculté de décider de la majorité absolue aussi bien au Congrès qu’au gouvernement. Dans les semaines à venir, de quel côté va pencher le fléau de la balance dans ces institutions ? La rupture du contrat de stabilité n’est pas une péripétie. Il constitue une indication sur la vision de la société économique des partis politiques. Il révèle la crédibilité d’un engagement pris par les indépendantistes. Il représente, pour la seconde fois en tout juste un an, une humiliation pour une formation politique dont l’électorat repose essentiellement sur une partie de la population calédonienne d’origine wallisienne et futunienne. De quoi générer des conséquences durables.