
Déwé Gorodey s’est éteinte à hôpital de Poindimié dimanche. Elle avait 73 années d’une vie consacrée à la fois à la cause kanak, à la revendication d’indépendance, et à la littérature. Femme politique dans un milieu où les hommes prédominent, elle était passé d’un militantisme hyper-actif à la stature d’un pilier institutionnel dans le gouvernement de la Nouvelle Calédonie créé en 1998. Elle y détient le record de longévité.
Femme de lettres, et intellectuelle d’une grande culture, Déwé Gorodey a patiemment irrigué le monde kanak d’une culture retrouvée, mais également d’une culture contemporaine et nouvelle. Il est vrai que les non-indépendantistes portent peu d’attention à la Culture, à quelques exceptions près. Ils en assurent le financement budgétaire et l’exercice souvent associatif. Déwé Gorodey en a fait en 20 ans une redoutable arme politique.
Par la musique, développée comme jamais en milieu kanak, par la littérature, le théâtre, par l’événementiel largement destiné à exalter la culture kanak, elle a mené sans relâche une action d’adhésion des Kanak à leur identité et à la fierté de leurs valeurs culturelles, elles-mêmes fondatrices de l’Identité. Il s’est agi d’un travail de fond qui a largement contribué à une dynamique visant l’unité politique par l’adhésion culturelle.
Souvent raillée par ses adversaires plus préoccupés des comptes, de la fiscalité, de l’économie, elle a créé le Salon International du Livre Océanien pour promouvoir le livre sans sectarisme, tout en attirant, par sa personnalité, l’empathie des artistes et des intellectuels pour la cause kanak.
Après avoir été, au début de son militantisme, une passionaria de l’indépendance kanak, elle a embrassé au sein du gouvernement, le désir de la construction d’une nation. Elle s’est attachée à mettre en œuvre le choix de signes identitaires. Sa tentative pour faire évoluer l’esprit du 24 septembre traduit cette vision. A Balade, indépendantistes et non-indépendantistes avaient en 2011 et à son invitation, voulu faire prospérer la Fête de la Citoyenneté pour « assumer ensemble notre Histoire commune ».
Si les résultats des urnes ont montré, lors des référendums prévus par l’Accord de Nouméa, à quel point la cause indépendantiste avait rassemblé les Kanak par une forme d’adhésion culturelle au-delà de l’adhésion politique, ils portent à coup sûr la marque de Déwé Gorodey.