

Charlie Ubinger n’était pas vraiment comme tout le monde. L’armée avait été sa seconde famille, tôt. Au Vietnam, d’abord, juste après Dien Bien Phu. A Chypre ensuite, à l’Etat major, pendant la guerre de Suez. Et puis dans le Djebel, au sein du célèbre et redouté commando Guillaume. « Observe et frappe ». Les affres de la guerre. Et cette grave blessure. Mais si on guérit d’un pépin de santé, on le fait plus difficilement de l’aventure. Si bien qu’en plein conflit au Congo Belge, on saute sur Kolwesi. Commando parachutiste, responsable, plus vraiment dans l’armée. Il fallait les avoir « bien accrochées ». Le reste appartient à l’Histoire, celle que quelques-uns connaissent.
Mais après l’aventure guerrière, ce diable de Charlie se lance dans une tout autre aventure. Celle de l’entreprise, du risque financier et non plus physique. Celle qui demande un talent différent, mais probablement la même niaque. Celle de la patience, des relations, de l’imagination et du flair. Petit à petit, il crée, une sorte d’empire à sa mesure, sur lequel le soleil se couche rarement. Dans tout l’Outre-mer français.
Et comme l’ont fait avant lui ces pionniers venus d’Alsace-Lorraine pour s’établir en Nouvelle-Calédonie, il s’installe sur le Caillou. Séjours entrecoupés d’une multitude de voyages pour être au plus près de ses affaires. Ici, Socapor naît. Puis les partenariats de nouent, sans bling-bling. La prospérité, pourtant, ne lui fait jamais oublier ses amis d’antan, ceux avec qui, parfois, il a vécu à la dure. La fidélité à ses frères d’arme, la fidélité en amitié tout court.
La Légion d’Honneur lui est accrochée par l’un de ceux avec qui les chemins respectifs se sont croisés, au Vietnam, jusqu’au Congo Belge. Charlie a été fier de cette décoration « à titre militaire » comme il aimait le préciser. Une Légion d’Honneur dans le droit fil des militaires napoléoniens, la plus haute distinction nationale pour avoir porté haut la devise « Honneur et Patrie ».
Charlie nous a quittés. Sa famille le pleure. Ses amis aussi. Mais quand on a son tempérament au combat, cette volonté de fer d’aller toujours de l’avant, on ne meurt jamais. Au revoir Charlie.