
L’image avait fait le tour du monde. Après 4 ans de climat insurrectionnel ayant suivi 6 mois de guerre civile, après le drame d’Ouvéa, les deux chefs des camps antagonistes en Nouvelle Calédonie avaient signé un accord à l’appel du Premier ministre de la France. Les Accords de Matignon conclus, Jacques Lafleur et Jean Marie Tjibaou avaient échangé une poignée de main devant les photographes, dans les locaux d’Europe 1 où Jean Pierre Elkabash les avait interrogés. La scène avait de nouveau été immortalisée par une photographie officielle. Désormais, elle est comme vivante sur la Place de la Paix, en plein cœur de Nouméa, pour l’éternité.

Dimanche dès 9 heures, une foule colorée et compacte s’était rassemblée pour assister au dévoilement de la statue réalisée par un sculpteur de talent, Fred Fischet. Un véritable chef d’œuvre. Marie-Claude Tjbaou en a rappelé les circonstances dans une allocution émouvante, éclairée de souvenirs intimes poignants, l’un sur le long coup de téléphone de son mari après la signature des accords, l’autre la veille de son déplacement à Ouvéa qui lui avait coûté la vie. Isabelle Lafleur, puis Sonia Lagarde, la maire de Nouméa, ont souligné la portée du geste célèbre, générateur du rétablissement de la paix en Nouvelle-Calédonie. Une paix qui sera célébrée chaque année comme dimanche par les jeunes générations, au son des tambours.

Tous les leaders des partis politiques n’étaient pas là. Probablement pour des raisons diverses. Mais tous les partis, étaient représentés par des élus et des responsables. Les présidents des Institutions locales, eux, étaient présents. La mission du Sénat a elle aussi pu profiter de l’événement, rappelant que la concorde entre indépendantistes et autonomistes a été possible en Nouvelle Calédonie, après que les uns et les autres se soient déchirés. Paradoxe calédonien. Quelques jours auparavant, le président du Congrès signifiait à un élu, natif du territoire, qu’il n’est pas ici chez lui … Et hier, les danseurs de Tiendanite invitaient à célébrer la poignée de main sous l’emblème de l’identité kanak et le drapeau national.
Dans les faits, chacun s’interroge désormais sur la prolongation de « l’esprit » de la fameuse poignée de main. Va-t-il éclairer les discussions rendues nécessaires après l’achèvement des Accords de Nouméa, pour trouver un consensus qui paraît pour l’instant inatteignable ? Comme dit la pièce de théâtre, c’est « fin mal barré ». Les déclarations vengeresses de la campagne pour les législatives, les outrances récentes du président de l’Union Calédonienne, l’obstination des indépendantistes à nier la validité du troisième référendum sont bien loin de ce que suggère la poignée de main.
A défaut de nouvel accord, dans les mois qui viennent, la magnifique statue de bronze ne sera plus qu’un souvenir historique du passé.