PAP NDIAYE : LA QUESTION DU FINANCEMENT DE L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE EN CALÉDONIE

La nomination de Pap Ndiaye, nouveau ministre de l’Éducation nationale succédant à Jean-Michel Blanquer, concerne-t-elle la Nouvelle Calédonie ? Beaucoup oublient que le territoire est compétent dans ce domaine. Le Congrès vote le Socle Commun de connaissances, de compétences et de culture propre à notre enseignement primaire, et donc les programmes et les rythmes du cycle élémentaire. Quant à l’enseignement secondaire, seules la qualification pour enseigner, l’organisation des examens et la délivrance des diplômes ont été volontairement laissées entre les mains de l’État. La question essentielle n’est donc pas tant l’éventuelle conséquence des orientations du nouveau patron de l’Éducation nationale que le devenir du financement de l’enseignement secondaire public et privé par son ministère en Calédonie. Une compétence locale … financée par l’État pour la modique somme de 50 milliards de FCFP !

La désignation de Pap Ndiaye fait l’objet d’une polémique lancée par la droite et l’extrême droite qui reprochent à ce spécialiste des minorités d’être, selon elles, un dangereux «wokiste», «indigéniste» ou «communautariste».

Issu de la banlieue, et modèle de l’ascenseur républicain, l’intéressé est diplômé de l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé d’histoire et docteur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Il est aussi diplômé de l’université de Virginie (M.A.), il a enseigné en France (EHESS) et aux États-Unis (université de Pennsylvanie, New York University, Nortwestern University).

Le nouveau ministre ne connaît pas l’administration de l’Éducation nationale mais il connaît « le monde des enseignants ». « Il est le mien depuis toujours », a-t-il souligné. Son père fut le premier ingénieur des Ponts et Chaussée de l’Afrique subsaharienne. Sa mère était professeure de sciences naturelles, sa compagne Jeanne Lazarus dirige le département de sociologie de Sciences Po Paris et lui-même est enseignant à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales (EHESS) et à Sciences Po.

Va-t-il s’éloigner de ce qui a été reconnu comme les principes de l’Éducation Nationale ? Il cite Aimé Césaire : « On peut être attaché à une culture sans être détaché de l’universalisme ».

Ses détracteurs l’accusent de wokisme.  « Je partage la plupart de leurs causes (des wokistes NDLR), mais je n’approuve pas les discours moralisateurs ou sectaires de certains d’entre eux. Je me sens plus cool que woke, c’est sans doute une question de génération » a indiqué Pap Ndiaye.

Les mêmes l’accusent également d’indigénisme et de décolonialisme. « Il y a encore beaucoup à faire pour reconnaître la dimension impériale de notre Histoire, déclarait-il dans l’émission « Quotidien », le 11 mars 2021. Cela ne signifie pas faire repentance, cela signifie mieux comprendre et faire en sorte qu’une partie de la jeunesse se reconnaisse dans l’Histoire qui lui est racontée, qu’elle fasse le lien entre son histoire familiale et la grande Histoire ».

Lundi, à l’issue de son premier Conseil des ministres, le nouveau locataire de la rue de Grenelle était attendu au collège du Bois-d’Aulne, là où Samuel Paty enseignait l’histoire et la géographie, avant d’être assassiné par un jihadiste tchétchène en octobre 2020. Vendredi, déjà, lors de la passation de pouvoirs au ministère de l’Éducation nationale, il indiquait avoir «une pensée pour son collègue historien». Avec le recul, il l’assure : « C’est à lui que j’ai pensé spontanément ».

Pour la Nouvelle Calédonie, quel est l’enjeu à venir ? Celui de l’intervention du gouvernement national dans une matière qui relève intégralement de la responsabilité de nos élus du Congrès. Cette intervention est double. D’une part, le ministère de l’Éducation nationale fournit encore des personnels administratifs et des enseignants dans les domaines où les personnels locaux sont en carence. D’autre part, et surtout, il prend en charge le financement de ces personnels au terme de la convention dite de la MADGG, leur Mise à Disposition Globale et Gratuite. Cette convention vise l’enseignement secondaire public, et l’ensemble de l’enseignement privé, primaire et secondaire. Montant de la prise en charge par le contribuable métropolitain : 50 de nos milliards. Une paille …

La question est évidemment que la Nouvelle-Calédonie ayant décidé d’exercer la compétence, elle devrait à présent en supporter le financement. Logiquement, c’est donc une somme supplémentaire de 50 milliards qu’il faudrait trouver pour le budget primitif de 2023. A moins que l’État accepte encore, et après une dizaine d’années d’une aide cumulée de 500 milliards FCFP, de maintenir le robinet ouvert. Jusqu’à quand ?