La crise du Covid ne peut tout expliquer. Ni le référendum. Ni la guerre de l’Ukraine. A preuve, cette annonce surprise du président du gouvernement en pleine séance : les résultats de l’exercice 2021 vont permettre une distribution de plusieurs milliards supplémentaires dans quelques semaines aux provinces, aux communes et au territoire !
Dans ces conditions, pourquoi présenter à la hâte un budget contraint, précédé de l’annonce d’un prélèvement de 42 milliards dans la poche du contribuable ? Les services territoriaux auraient-il mal travaillé, mal renseigné un gouvernement lui-même un peu perdu depuis quelques mois par d’évidentes insuffisances dans la gestion de secteurs vitaux ? Probablement un peu de tout cela, avec beaucoup d’amateurisme en prime.
LA PRÉPARATION DU BUDGET DE L’EXERCICE SUIVANT COMMENCE EN JUIN
Qu’il vente ou qu’il pleuve, avec ou sans Covid, les services de la Nouvelle Calédonie sont mobilisés dès le début du second semestre pour la préparation du prochain budget. En clair, cette mobilisation a théoriquement commencé depuis juin 2021. A cette période de l’année, les services et les élus responsables connaissent le détail de l’exécution du budget précédent, et les premières tendances de 2021. Une « lettre de cadrage » adressée par le Secrétaire général du gouvernement donne les orientations aux directions en matière de dépenses, qu’il s’agisse des ressources humaines, du fonctionnement ou des investissements.
Alors c’est vrai : le gouvernement Mapou n’a été mis en place qu’en juillet 2021.
Mais dès cette période, chaque membre du gouvernement avait à se préoccuper des perspectives budgétaires de son secteur avec les directions concernées. Le Covid était extraordinairement prégnant, mais il n’empêchait pas le fonctionnement des services. Le budget est l’acte le plus important de l’année, aussi, bien pour le gouvernement que pour le Congrès.
En clair, le partage des informations aurait du commencer à cette date pour se conclure par des séances d’arbitrage auxquelles sont associés tous les « ministres ». On peut appeler cela concertation, gestion partagée ou collégialité. Mais quel que soit le nom donné à cet exercice, il ne s’est effectué ni dans les faits, ni dans les temps.
Retarder le dépôt d’un projet qui a lieu en novembre sur le bureau du congrès, comme c’est la règle, peut être motivé par des incertitudes, doublées d’une impasse. C’était le cas, avec le référendum fixé au 12 décembre en plus. Mais depuis le mois de juillet, la majorité indépendantiste savait que l’équilibre ne pourrait être atteint sans un coup de pouce de l’État pour garantir un second emprunt auprès de l’AFD.
Au lieu de cela, le tout nouveau responsable du budget, dès sa nomination en juillet, avait annoncé crânement que le gouvernement s’en passerait. Il aurait dû, au préalable, s’entourer de l’avis des directions « au front » budgétaire, la direction des finances et du budget, la direction des douanes et la direction des services fiscaux. Cela lui aurait évité de déclarer des sottises.
Même chose pour la garantie de l’État. Mais il est vrai que la proximité du scrutin d’autodétermination ralentissait quelques ardeurs indépendantistes à demander un soutien de la « puissance coloniale ». Pour l’éviter, il fallait alors choisir de ne pas exercer le pouvoir gouvernemental …
DES CHIFFRES « À PEU PRÈS » ?
Le budget est un exercice de prévision. Il est, par définition, basé sur des recettes qui ne se sont pas encore effectuées. Or l’annonce d’un budget supplémentaire fort bien alimenté laisse à penser que la dégradation de la conjoncture est fortement atténuée par le nouvel emprunt de la Nouvelle Calédonie. L’annonce effectuée le 28 mars en séance du congrès prouve que les services le savaient. Ont-ils omis de l’indiquer auparavant aux responsables du budget ? L’information a-t-elle été gardée confidentielle pour éviter que les « autres » membres du gouvernement ne soient au courant ?
Au total, tout cela ne fait pas bien sérieux. Le sentiment d’improvisation qui résulte de ces péripéties est totalement à l’opposé de l’adage qui dit que « gouverner, c’est prévoir ».
A l’évidence, la Nouvelle-Calédonie n’était pas prête pour l’indépendance. L’est-elle véritablement pour son autonomie ?