
L’affaire a été longuement mûrie. Dès octobre 2020, dans le cadre du forum professionnel Diginova, Christopher Gygès et Vaimu’a Muliava, respectivement en charge de l’économie numérique et de la transformation numérique au gouvernement, dévoilaient le projet de « lieu totem » dénommé “Station N”, visant à réunir les acteurs locaux et internationaux du numérique calédonien : porteurs de projet, startups, entreprises, recherche et développement (R&D), formations, acteurs publics, ou financeurs.
Pourquoi Station N ? C’est une référence qui trottait depuis des mois dans la tête de Christopher Gyges, inspiré par l’initiative exceptionnelle de Xavier Niels, fondateur d’Iliad, groupe de télécommunication français maison mère du fournisseur d’accès Free, et accessoirement, copropriétaire du journal Le Monde. Le multimilliardaire français a financé en presque totalité le plus grand incubateur au monde de jeunes pousses numériques construit dans l’énorme Halle Freycinet à Paris. En 2017, le président de la République, Emmanuel Macron, a inauguré la Station F dont la première pierre issue … d’une impression 3D avait été posée par François Hollande en 2014.

Hier soir, la Station N comme Nouvelle-Calédonie, Nouméa, Nouville et Numérique a été inaugurée. Elle affiche les ambitions calédoniennes dans le numérique, fondement d’une multitude de technologies nouvelles, “colonne vertébrale de toutes les filières” comme l’a souligné Hatem Bellagi, créateur d’entreprises fondées sur le numérique, et président du cluster Open NC qui rassemble les acteurs calédoniens du secteur.
Depuis plusieurs mois, des structures comme Adecal soutenaient les start-up locales, proposant même quelques modestes locaux dans l’enceinte de l’IRD. Désormais, ce sont 700 m2, dans un bâtiment superbement reconditionné, que les “jeunes pousses” calédoniennes pourront trouver à la fois un hébergement et un soutien.
Ce sera aussi, pour elles, l’opportunité de se rencontrer, de partager les expériences, bref de créer un réseau physique propre aux start up et à l’innovation.
Christopher Gyges veut aller plus loin, en partenariat avec la province sud. Dans le plan de relance économique qu’il a imaginé dès 2019, la mise en place de zones franches pourrait être un accélérateur de développement, notamment du numérique, grâce à des exonérations d’impôts, de charges patronales et de frais d’enregistrement. Et comme l’investissement est le carburant de toute entreprise, et en particulier dans les filières innovantes risquées par nature, une loi d’incitation au financement participatif est dans les tuyaux.
Mais ce que les acteurs ne disent pas publiquement, c’est le besoin de la Nouvelle Calédonie en compétences dans ces secteurs de la croissance du futur. Le territoire, pour connaître un vrai développement du numérique, comme de bien d’autres filières, doit accueillir des entrepreneurs comme des personnels hautement qualifiés, et les retenir. Aujourd’hui, unanimement dans le monde économique, les acteurs admettent volontiers que les Calédoniens, à compétence égale, méritent une priorité à l’emploi. Mais les dérives des dispositions statutaires qui prévoient une promotion de l’emploi local, et non une protection parfois abusive, ont abouti à créer des difficultés de tous ordres lorsque, la compétence n’étant pas disponible en Calédonie, il est nécessaire de la faire venir de l’extérieur. Etre Calédonien ne suffit pas pour prétendre à toutes les compétences ! Voila un beau sujet de société et de dispositions futures, qui doit conjuguer l’emploi local, et les compétences réelles pour l’exercer …