
Les finances locales sont en profond déséquilibre, à un point tel que le vote du budget annuel permettant le fonctionnement et les investissements territoriaux d’une part, le financement des provinces, des communes et des établissements publics d’autre part, n’a pas encore pu s’effectuer. Ce fut déjà ainsi pour le budget 2O21, arrêté par le Haut Commissaire après avis de la Chambre Territoriale des Comptes.
Certes, la crise sanitaire y est pour beaucoup. Mais elle n’explique pas tout.
LE CONTRIBUABLE MÉTROPOLITAIN SOLIDAIRE
Dans ce domaine, l’Etat, et donc le contribuable métropolitain, -les « zoreilles », comme on dit-, a mis la main à la poche au nom de la solidarité nationale. Il a mis en place un dispositif lourd de prêts aux entreprises à des conditions favorables, fourni des milliers de vaccins, une partie de sa réserve médicale, et a accordé une subvention d’une dizaine de milliards pour financer le coût des réquisitions d’hôtels.
Il a par ailleurs garanti un prêt d’une trentaine de milliards. La Nouvelle Calédonie devait, en contrepartie, réaliser des économies et des rationalisations de dépenses, tout en mettant en œuvre une augmentation de ses ressources pour faire face aux échéances, et redresser ses comptes, sociaux notamment.
CALÉDONIE : CAPABLE DE GÉRER SON AUTONOMIE ?
Pour l’heure, les efforts requis n’ont guère vu le jour. Les mesures d’urgence adoptées ont surtout consisté à ponctionner la trésorerie d’établissements publics et, en passant, des mutuelles.
Or, la Nouvelle Calédonie a souhaité, au sein de la République, s’émanciper et gérer ses propres affaires internes. Ainsi, elle vote ses propres lois, procédure législative unique dans la France -les lois polynésiennes ont valeur réglementaire-. Elle est donc responsable du système fiscal local, et donc, du financement de son fonctionnement interne, services publics, collectivités et établissements publics.
Aujourd’hui, le constat est simple : les Calédoniens ne sont pas capables de gérer leur autonomie, ou, en d’autres termes, de se donner les moyens de le faire.
RETARDER POUR MIEUX SAUTER
La procrastination qui les a caractérisés jusqu’à présent, les a conduit à une impasse. Le déficit des comptes sociaux n’a fait que s’alourdir depuis dix ans. Les économies sur un fonctionnement coûteux, tout comme les ajustements de ses prélèvements ont été, en permanence, retardés. Mais la capacité maximale d’endettement de la Nouvelle Calédonie étant quasiment atteinte, les responsables ne peuvent plus reculer. Même si l’Etat, une fois encore, était appelé à arrêter le budget 2O22 …
Par conséquent, après avoir choisi majoritairement de rester dans la France, la Nouvelle Calédonie devra se plier à l’exercice … attendu par l’Etat. Le « territoire fédéral autonome » va être dans l’obligation d’assumer ses responsabilités et mettant de l’ordre dans ses dépenses, et en accroissant sensiblement ses recettes.
SANS CONCERTATION ? LA PIRE ERREUR …
Cet exercice ne peut être effectué « à la petite semaine ». Les réductions de dépenses devront être pertinentes, tout autant que l’augmentation des recettes, impactant les entreprises et la consommation. La taxation des profits ne peut être archaïques tant ceux-ci sont « l’investissement de demain et les emplois d’après demain ».
Le pire erreur que commettraient les responsables politiques serait d’adopter les mesures nécessaires hors de toute concertation et de toute explication. L’adhésion à l’impôt, ainsi que le dicte la déclaration des droits de l’Homme, n’est pas une formule désuète. Chaque citoyen est en droit de comprendre, pour accepter un effort solidaire.
UN STATUT « COÛTEUX » ?
Cette situation, grave, de la Nouvelle Calédonie, pourra, en outre, alimenter la réflexion sociétale et statutaire pour le futur proche. En 1988, les provinces ont été créées, actant un partage du pouvoir politique, économique, social et culturel. Cette formidable innovation a permis le retour et une forme de garantie de la paix. En 1998, ce schéma a été profondément modifié, dans la forme et au fond. Ce fut la résurgence d’une administration territoriale lourde, et la création de nombreux établissements publics coûteux. La question est simple : la Calédonie peut-elle supporter des strates institutionnelles aussi lourdes, et peut-elle les financer ?
A l’aune d’une prochaine élection présidentielle, un geste ultime d’Emmanuel Macron relève peut être du domaine du possible. Mais rien d’autre n’y fera : la Nouvelle Calédonie devra, cette année, mettre bon ordre dans ses comptes.