ILES LOYAUTÉ : LES LIMITES DE LA RÉPUBLIQUE

On sentait bien qu’elle aurait préféré être loin du studio, ce soir là sur le plateau télé, Omayra Naisseline, 3e Vice-présidente de la Province des Iles Loyauté. La question de Lorelei Aubry venait de parvenir à ses oreilles : « on a envie de connaître votre position sur les propos de votre beau frère Henri Naisseline contre la campagne de vaccination« . De l’explication embarrassée et circonvolutive de l’élue, on a tout de même compris que les institutions pouvaient prendre des décisions, mais qu’aux Iles Loyauté, quand un chef parle, les élus doivent acquiescer …

La chose n’est pas nouvelle. Le président de la province des Iles avait du subir l’arrêt des vols vers Lifou, décrété par les grands chefs de l’île lors de la première crise sanitaire. Mais il est vrai que Lifou, Maré et Ouvéa n’ont quasiment pas été colonisées, et que l’autorité coutumière y a gardé une grande force.

En tout cas, en cette circonstance, étalée devant les caméras de télévision, tout les Calédoniens ont pu se rendre compte que les élus de la République des Iles filaient tout de même doux devant leurs, ou les, grands chefs !

Certains petits esprits pourraient faire remarquer que la liberté de circuler, et la réglementation sanitaire relèvent, pour l’une, de l’Etat, pour l’autre, du gouvernement Mapou. Les pôvres. Aux Iles, ce que le grand chef veut, l’élu le veut. Des fois qu’un oukase d’exclusion tombe de la grande chefferie !

Celle de Guahma, d’ailleurs, est particulière en matière de pieds de nez. Au fronton des valeurs d’hier : la liberté de se faire vacciner ou non. Et avant hier, l’expulsion de Roh-Maré sans autre forme de procès de plusieurs dizaines de sujets, dont la plupart sont toujours à Nouméa ! Et pour couronner le tout, ce qu’oublient rapidement quelques loyalistes prompts à critiquer la chefferie du district : ce dernier a été le seul de Calédonie à prôner le « non » au dernier référendum.

La démocratie a du bon. La République aussi. Mais beaucoup oublient qu’avant la colonisation, les aires, sous l’autorité d’un grand chef, étaient ce que les Canadiens appellent « les premières nations » : une géographie, une langue, une organisation sociale, une classe dirigeante. Beaucoup l’oublient, sauf les « sujets » des Iles Loyauté …