
Certes, la gestation a duré un record de temps : plus de cinq mois. Mais il n’empêche : avec l’installation d’un gouvernement calédonien indépendantiste après 1982, date à laquelle grâce aux voix de la FNSC, une majorité de l’Assemblée territoriale avait fait tomber le Conseil de Gouvernement vice-présidé par Dick Ukeiwé, au profit du Front Indépendantiste et de Jean-Marie Tjibaou, il s’agit d’un événement. Aujourd’hui, le contexte et l’institution sont différents. Explications.
A CINQ MOIS DU DERNIER RÉFÉRENDUM
Cette prise de pouvoir se situe dans un contexte très particulier : c’est en effet dans cinq mois tout juste que les Calédoniens seront appelés pour la troisième et dernière fois à se prononcer sur l’accession à l’indépendance du territoire, ou à son maintien dans la République. Autant dire que les capacités de gestion du nouveau gouvernement seront scrutées, et que chaque jour, les décisions s’inscriront dans cette perspective.
Bien entendu, les premières déclarations de Louis Mapou vont dans le sens de l’apaisement, de l’unité, et de l’invitation à traiter les problèmes de l’heure. La déclaration de politique générale est attendue, et ira dans ce sens. Mais l’exercice est convenu, même s’il est historique. Ce seront ensuite les actes qui prévaudront. Et les jugements qu’ils susciteront.
QUEL CABINET ? QUEL RECOURS À LA FRANCE ?
Au dela des paroles, les premières initiatives, les premières analyses seront révélatrices. Les commentateurs observeront d’abord la composition du Cabinet du président du gouvernement. Politique et militant ? Technique ? Les deux ? Le Cabinet reflètera les intentions du nouveau chef de l’Exécutif, et déterminera la qualité des relations avec les directions territoriales.
Viendra ensuite la résolution des problémes. Ils sont colossaux : voter un budget « définitif » sincère, en tenant compte des charges nouvelles résultant notamment de la gestion du Covid, mettre en œuvre le plan de redressement des régimes sociaux, gérer la crise sanitaire, conforter la CLR, et répondre aux multiples sollicitations qui viendront du camp indépendantiste. « A l’assaut des montagnes », a titré Les Nouvelles. La formule est pertinente.
Certes, certains pourraient envisager de « laisser la poussière sous le tapis ». Mais les urgences sont réelles et concrètes. Sans budget définitif, le déblocage des investissements ne pourra s’effectuer, provoquant la poursuite de licenciements notamment dans le bâtiment et les travaux publics. Sans dotation supplémentaire -700 millions par mois-, il faudra intégralement mettre à la charge des voyageurs les frais de quarantaine. Quant au Ruamm, sa situation impactera directement le paiement des fournisseurs des hôpitaux dès le mois prochain.
Alors, pour faire face, le gouvernement indépendantiste devra-t-il avoir recours à l’aide de la France … tout en prônant l’indépendance ?
ACHEVER L’INSTALLATION DU GOUVERNEMENT
Pour l’heure, d’ailleurs, passées les congratulations, l’installation du gouvernement doit se poursuivre pour qu’il puisse fonctionner. La répartition des secteurs est essentielle. A qui vont échoir les « portefeuilles » de la fiscalité, de l’économie, des mines et de l’enseignement ? Qui sera le porte-parole ? De combien de collaborateurs les cabinets seront-ils dotés ?
Quant à la vice-présidence, d’une importante relative compte tenu de l’absence de prérogatives liées à la fonction, elle sera surtout un éclairage politique. En se désistant,les non-indépendantistes ont clairement fait entendre qu’ils ne souhaitaient pas cautionner les décisions prochaines de ce gouvernement. Quant à l’Union Calédonienne, sa bouderie sera-t-elle passagère ? En ne revendiquant pas ce lot de consolation, le parti pourrait marquer un désaccord. Pas étonnant, puisqu’il a fallu cinq mois pour élire le président.
Bien sûr, ce dernier a exprimé sa déception quant aux refus des Loyalistes d’occuper la Vice-présidence. Il feint peut être d’oublier que les indépendantistes ont « viré » l’ancien président par une démission collective. Un trait révélateur de personnalité …