ADIEU MONSIEUR LE HAUT COMMISSAIRE

Beaucoup s’en souviennent, mais beaucoup l’ont oublié. En ces années 2006, la Nouvelle-Calédonie baignait dans le chaos social. Pas une semaine sans entreprise cadenassée, pas un jour où les employeurs ne craignaient les foudres des syndicats qui avaient réellement pris le pouvoir sur le fonctionnement économique. Le territoire établissait, mois après mois, des records de jours de travail perdus pour des causes trop souvent futiles. Près de 60 conflits dans l’année, deux fois plus qu’en Guadeloupe qui comptait deux fois moins d’habitants, 10 fois plus qu’en 2000 ! Le « blocage » était alors la seule expression de la relation sociale au sein des entreprises.

Le pouvoir régalien était localement tétanisé. La procrastination sur l’application des décisions de justice, lorsqu’il s’agissait de rétablir le droit de la liberté de travailler, d’aller et venir, semblait justifiée par la hantise de voir les explosions sociales se transformer en déflagrations touchant à la paix civile. Une spirale sans espoir vers le chaos généralisé.

Le 16 mai 2007, Nicolas Sakozy est élu Président de la République. Le 19 juin de cette année, Christian Estrosi est nommé Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, rattaché au ministère de l’Intérieur dirigé par Michèle Alliot-Marie. Au cours d’une visite en Nouvelle-Calédonie effectuée en octobre, dans la foulée de sa nomination, il critique sévèrement « l’attentisme », voire le laxisme de l’Etat, provoquant la démission du Haut-Commissaire de l’époque, Michel Mathieu.

Depuis le mois de juin, Yves Dassonville, préfet, est son directeur de Cabinet. C’est lui que Christian Estrosi fera nommer Haut-Commissaire en Nouvelle-Calédonie le 25 octobre 2007. Ce sera un des grands tournants du territoire depuis les Accords de Matignon.

RÉTABLIR L’ORDRE ET LE DIALOGUE SOCIAL
Le syndicat le plus radical est alors l’USTKE. Yves Dassonville choisira de faire confiance à la Justice, mais surtout de mettre en œuvre ses décisions, dans un climat inquiétant, où une responsable d’entreprise était allée jusqu’à se donner la mort.

Le nouveau Haut-Commissaire dénonce « les méthodes de voyou« . « En défendant l’ordre public, je défends l’accord de Nouméa contre les extrémistes qui recrutent des jeunes des quartiers et les arment de billes d’acier dans l’unique but de déstabiliser la Calédonie et de faire échouer l’accord« .

S’appliquant à restaurer l’autorité de l’Etat, avec un flegme et une détermination très « british », Yves Dassonville surprend les Calédoniens, dont beaucoup se laissaient aller à la résignation.

La fermeté retrouvée de l’Etat est accompagnée par une politique nouvelle du gouvernement calédonien dirigé par Harold Martin, pour transformer le dialogue social, une politique lancée par Alain Song, puis reprise par Gaby Briault, responsable de ce secteur pendant toutes les « années Dassonville ». A la manœuvre, à la direction du Travail, un fonctionnaire hyper actif, Pierre Garcia.

Yves Dassonville, Harold Martin, président du gouvernement, Gaby Briault en charge du Dialogue Social

APPLIQUER LES DÉCISIONS DE JUSTICE
Le retour de l’autorité de l’Etat associé à un énorme chantier de restauration, puis d’innovation en matière de rapports sociaux entre employeurs et syndicats de salariés vont transformer le paysage social calédonien. A la suite de débordements délictuels dans un conflit à Aircal, le président de l’USTKE connaîtra la sanction judiciaire de la prison. De son côté, le gouvernement facilite les recherches d’amélioration du dialogue social, organisant même des déplacements d’études avec les partenaires sociaux pour s’inspirer de modèles européens, et surtout, québécois. Ce sera la création du conseil du dialogue social, l’accompagnement des syndicats de salariés et d’employeurs en vue notamment d’améliorer la formation de leurs responsables.

LE SOUVENIR D’UN GRAND COMMIS DE L’ETAT
Yves Dassonville renforcera également les actions de lutte contre l’alcoolisme, contre l’insécurité routière. Il appuiera les autorités calédoniennes dans le transfert de l’enseignement secondaire marqué par le maintien d’une intervention financière de l’Etat à hauteur d’une cinquantaine de milliards FCFP.

« Un escalier ne se refuse jamais » disait-il en prenant ceux du gouvernement, route des Artifices. Adepte du marathon, il exprimait ainsi son goût de l’effort. Une leçon pour les Calédoniens qu’il a servis, au nom de l’Etat, et dont une majorité conserve de lui le souvenir d’un grand commis de la République.

Peut être celui qui a marqué le plus de son empreinte notre territoire ces trente dernières années.