
Les délégations qui se sont rendues à Paris, à l’invitation du Premier ministre, dans le cadre de la préparation du troisième référendum ont entamé leur parcours. Le noyau central de discussion est celui du groupe dit « Leprédour ». Seuls Paul Néaoutyne et Victor Tutugoro ont décliné l’offre, et par conséquent, aucun représentant de l’Uni-Palika n’est au rendez-vous. Quant aux autres membres du groupe, ils sont accompagnés, soit d’une véritable délégation, soit pas. Enjeux.
LES PARTICIPANTS
Au total, ce sont donc, côté Union Calédonienne, Roch Wamytan, Jacques Lalié et Daniel Goa qui sont présents. Ils sont accompagnés par Gilbert Tyuienon, Mickael Forest, Pascal Sawa, Jean Raymond Postic, Ronald Frère et Thierry Bolo. Côté Avenir en Confiance, Sonia Backes, Thierry Santa et Pierre Frogier sont là. Ils sont accompagnés par Virginie Ruffenach, Gil Brial, Alcide Ponga, Brieux Frogier et Willy Gatuhau. Côté Calédonie Ensemble, enfin, Philippe Gomes et Philippe Dunoyer sont présents. Gérard Poadja est également à Paris. Nicolas Metzdorf et Mailakulo Tukumuli ont été invités in extremis.
LA MAIN TENDUE DU PREMIER MINISTRE
Le Premier ministre Jean Castex avait lancé, en avril dernier, une invitation aux acteurs politiques calédoniens à se rendre à Paris pour « une session d’échanges et de travail«
Il avait laissé à Sébastien Lecornu le soin de déterminer le format, les thématiques et l’organisation de ce rendez-vous important. Le Premier ministre avait toutefois indiqué dans son invitation : « Alors que les Accords de Nouméa prévoient la possibilité d’une nouvelle consultation, l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie reste à écrire. Le dialogue est plus que jamais nécessaire et le gouvernement de la République souhaite y prendre toute sa part« .
Dans la lettre du chef du gouvernement, point de coercition, une ouverture totale, et après les inacceptables violences de novembre/décembre, une main tendue au FLNKS. Dans ces conditions, et alors que le parti de Paul Néaoutyne prône une indépendance « en partenariat avec la France », on comprend mal la fin de non recevoir de l’Uni-Palika.
LES POINTS CLÉS DE LA « SESSION D’ÉCHANGES ET DE DIALOGUE »
Comme dans toute réunion de ce type, certains points pourraient se rajouter à l’ordre du jour initial. Mais il ne fait de doute pour personne que le cœur de la rencontre proposée est à la fois, le prochain référendum, et les suites qui en résulteront pour la Nouvelle-Calédonie et ses populations.
Il s’agira d’abord de fixer la date de la troisième consultation. 2021 ou 2022 ?
Les Loyalistes la veulent le plus rapidement possible pour sortir le territoire de ses incertitudes et du marasme économique et social qui en résulte. Au Sénat, Les Républicains partagent ce point de vue. Côté indépendantiste, l’Uni-Palika avait d’abord indiqué sa préférence pour 2021, craignant l’élection de Marine Le Pen à la présidence de la République, et, dans cette hypothèse, une situation bien plus compliquée pour les séparatistes. Mais le parti de Paul Néaoutyne s’est apparemment rallié à la position de l’Union Calédonienne favorable à 2022, histoire de tenter de gommer le trouble de ses électeurs consécutif aux violences liées à la reprise de l’usine du Sud, et à l’indifférence manifestée par le FLNKS au malheur des familles menacées de chômage, une indifférence exprimée par le fameux « tant pis » de Victor Tutugoro.
L’Etat est prêt aux deux éventualités : un scrutin à organiser en 2021 comme en 2022. Mais … le gouvernement de la République est, quant à lui, partagé. Alors que la campagne présidentielle est lancée, et que le résultat s’annonce très « chaud » pour l’éventuelle candidature d’Emmanuel Macron, la prudence est de règle. Elle commande de repousser le référendum, ses conséquences et les possibles troubles qui suivront à septembre 2022.
Il s’agira ensuite d’aborder les conséquences du référendum. En cas de victoire du « Non » comme de celle du « Oui ».
C’est cette dernière qui pose aujourd’hui le plus d’interrogations. L’Etat, jusqu’à présent, ne s’est guère « mouillé » pour indiquer sa position face à une Nouvelle Calédonie qui aurait opté pour l’indépendance. Mais cette fois, le gouvernement dit tout. (lire notre article sur les conséquences du « oui » et du « non »). Tout sur les relations financières et économiques, tout sur le maintien d’une présence militaire, tout sur l’hypothétique double nationalité, tout sur une possible coopération. De quoi refroidir quelques idéologues indépendantistes qui s’évertuent à affirmer que pour les beaux yeux de Kanaky-Nouvelle Calédonie, la France continuera à « cracher au bassinet » …
Quant aux conséquences du « Non », elles sont, si l’on peut dire, presque négligeables. Certes, les Loyalistes ne pouvaient arriver à Paris les mains vides en matière de projet sur la nécessaire évolution institutionnelle, après la fin de l’agonisant Accord de Nouméa. Mais si le « Non » l’emporte, ce n’est jamais, dans les mois qui suivront, que la continuité du régime existant, et l’assurance de la solidarité nationale au sein de la République. Il sera alors temps de se pencher sur un nouveau statut.
UN RENDEZ-VOUS PARISIEN QUI PROVOQUE DES EFFETS SPECTACULAIRES DANS LES DEUX CAMPS CALÉDONIENS
Le rendez-vous parisien proposé par Jean Castex -et souhaité par Emmanuel Macron- a produit des effets assez spectaculaires, au moins dans le milieu politique calédonien.
Côté indépendantiste, c’est la guerre froide. Certes, elle fait suite au conflit né de l’accord unanime signé sur la reprise de l’usine du Sud, aggravé par celui relatif à l’élection avortée du président indépendantiste du gouvernement. Mais pour la réunion de Paris, le Palika, en la boycottant, s’est totalement désolidarisée de l’Union Calédonienne qui s’y est déplacée en nombre, même s’il s’agit, selon elle, uniquement « d’écouter« .
Chez les Loyalistes au sein desquels comme dans tout regroupement politique émergent des égos, la synthèse a, semble-t-il, été réalisée. D’abord sur la date du référendum, demandée en 2021, ensuite sur les orientations d’une évolution statutaire vers un fédéralisme provincial marqué par un pouvoir provincial essentiel, tout en préservant l’unité du territoire. La position commune sur cette question, est plutôt remarquable, en raison des divergences initiales. Un rapprochement des points de vue pour lequel Sonia Backes n’a pas ménagé ses efforts.
Calédonie ensemble, de son côté, est plus vague sur sa vision institutionnelle future. Toutefois, en l’absence de perspective de solution statutaire consensuelle, Philippe Gomes avait pris position pour un scrutin organisé dès 2021.
QU’ATTENDRE DE CETTE RÉUNION ?
En politique, la surprise est fréquente, la logique parfois surclassée, et le cartésianisme, maltraité ! Alors qu’attendre de cette « session d’échanges et de partage » ? Le plus vraisemblable est la fixation de la date du prochain scrutin référendaire. Ce sera déjà ça ! Pour le reste, on peut imaginer que la problématique minière et métallurgique du nickel sera abordée. Il en va notamment de l’avenir à court terme de la SLN et de KNS. L’état des finances publiques et des comptes sociaux ne peut échapper à quelques « échanges », tant les interventions de l’Etat paraissent nécessaires à court terme.
Peut être, au total, sont-ce des éléments de discussion qui gênaient le Palika. Incapable d’imposer, pour l’instant, la candidature de Louis Mapou à la présidence de l’exécutif, il aurait été l’illustration de l’impéritie indépendantiste. Et pire, au gré des difficultés du territoire nécessitant la bienveillance de la France, les indépendantistes montreront tout simplement qu’ils ne sont pas prêts pour une indépendance qu’ils réclament. Une situation malaisée alors que s’est ouverte la campagne électorale référendaire.