LE RÉFÉRENDUM EN 2021 : OPPORTUNITÉ ET DIFFICULTÉ

Sébastien Lecornu l’a affirmé : l’Etat est en capacité d’organiser le troisième référendum soit en fin 2021, soit au plus tard en octobre 2022. Il est cependant important, pour lui, que les électeurs soient, cette fois, parfaitement informés de conséquences « intangibles » de l’indépendance pour les Calédoniens. Et sans doute préfèrerait-il un certain consensus sur la date. Mais la réalité technique est là : cette troisième consultation pourrait avoir lieu « techniquement » en début du dernier trimestre.

CETTE DATE SERAIT OPPORTUNE, tant la situation devient compliquée, voire périlleuse en Nouvelle Calédonie. Un gouvernement claudiquant, un Congrès déchiré par les luttes intestines, une économie qui bat dangereusement de l’aile, deux usines sur trois au bord du gouffre, un Covid qui rode, et une population inquiète, clivée, et de plus en plus tendue.

Le référendum aurait pour mérite de clarifier les choses. Soit la Nouvelle-Calédonie tombe dans le gouffre de la pré-indépendance, soit elle tourne la page et l’objectif devient son redressement et sa reconstruction.

Attendre un an de plus ne ferait qu’aggraver les difficultés énoncées. En opportunité, 2021 serait la meilleure date pour commencer à en sortir. Aux dires du ministre, l’organisation des votes sur le terrain, la venue des magistrats et des observateurs de l’ONU, ne poseraient pas de problème. Quant à l’information sur les conséquences du « oui », il n’y a probablement pas besoin de grands pédagogues pour que les électeurs les comprennent en quelques semaines, puis lors de la campagne électorale …

MAIS LES DIFFICULTÉS POUR LA DÉCIDER SONT À SURMONTER, et relèvent essentiellement du domaine politique. Politique interne, d’abord. Au sein du gouvernement de la République, il y a les partisans de 2021 et ceux de 2022. Les seconds, en particulier, craignent les conséquences éventuellement négatives du scrutin, et surtout de son résultat, alors que la campagne présidentielle, déjà lancée, bat son plein. Pour ceux qui sont en faveur de 2021, les risques d’immixtion de la question calédonienne dans cette campagne sont tout autant réels si la date est tardive, car pour la première fois, le sujet pourrait s’inviter de manière partisane pour la première fois depuis 33 ans.

C’est qu’en effet, la victoire de Marine Le Pen est un scénario de moins en moins écarté tant les dérives et l’affaiblissement dénoncés par le « tribune des Généraux » sont confirmés chaque semaine dans la tragique actualité métropolitaine. Le meurtre d’un policier, à Avignon, a certainement apporté quelques points supplémentaires à la côte de la présidente du Rassemblement National.

LES CALCULS DES INDÉPENDANTISTES SONT CONTRADICTOIRES, même si officiellement, la ligne et unitaire. Et cela est d’autant plus fort qu’en matière d’unité des indépendantistes, c’est peut être tout ce qui reste ! L’Union Calédonienne estime qu’il faut un peu de temps pour réparer les errements et les erreurs récentes ou actuelles, et qui ont probablement refroidi les indécis qui avaient voté « oui ». Violences pour l’usine de Sud, renoncement à l’exclusion de Trafigura, et échec de la solution Sofinor/Korea Zinc, renoncement dans le Sud à la « doctrine nickel », mauvais calcul dans la chute précipitée du gouvernement Santa, querelles sur la désignation du président indépendantiste du nouveau gouvernement, rapports accablants de la Chambre des Comptes sur l’économie indépendantiste et la « doctrine nickel », risques de condamnation à l’issue des procédures enclenchées dans le cadre des récentes violences dans le Sud, tout celà, en effet, est loin de servir la cause du « oui ». Et c’est peu de le dire.

Le Palika/Uni, de son côté, ne néglige pas le « risque » d’une élection de Marine Le Pen à la tête de l’Etat. Certains responsables avaient estimé que « les choses seraient plus difficiles avec elle ». Motif à organiser rapidement le troisième référendum.

LA DÉCISION RELÈVE DE L’ETAT, car c’est lui qui convoque les électeurs et qui organise le scrutin. Certes, l’avis, notamment du Congrès, est requis. Mais il ne s’agit que d’un avis. Reste celui des partis politiques. Les indépendantistes ne paraissent pas sur une totale même ligne. Ils ont déclaré ne pas se rendre à l’invitation du Premier ministre en fin mai, prétextant qu’il leur faut d’abord un expert venant en Calédonie pour bien comprendre les conséquences du « oui ». Mais il ne serait pas impossible qu’une délégation, davantage observatrice que décisionnelle, fasse tout de même le voyage …

Après les dérobades, les blocages, les incapacités à se décider, les indépendantistes voudraient sans doute encore gagner du temps. Ou en faire perdre à toute la population.