
Apparemment, tout travail sur l’autonomie des provinces déchaîne la hantise d’une “partition” … qui existe juridiquement depuis la loi référendaire adoptée dans la suite des Accords de Matignon ! La question suscite tous les excès. Le dernier a été commis par une saillie au Sénat utilisant le terme de “apartheid géographique“…
Et pourquoi pas, lorsqu’on fait évoluer les provinces, pointer du doigt un potentiel risque de rétablissement de l’esclavage ?!
La réalité, c’est que le texte des Accords de Matignon annonçait une novation essentielle : la Nouvelle Calédonie était érigée en “territoire fédéral”. Ce territoire fédéral, selon ce même Accord de 1988, était “organisé dans le cadre de trois provinces”, qui s’administrent “librement librement par une assemblée élue au scrutin proportionnel pour six ans et par un exécutif propre.“
C’était une partition.
Un juriste éminent comme le professeur Jean Yves Faberon manque rarement de le souligner.
En 1988, la Nouvelle Calédonie avait donc été divisée en 3 territoires autonomes, les provinces, dotés d’une compétence générale -une première dans la République-, alors que l’Etat et le gouvernement ne disposait que de compétences attribuées.
Les provinces possèdent ainsi un pouvoir considérable. Aussi bien celui de gérer le domaine minier, que de déterminer les règles de protection de l’environnement ou de l’ouverture de la pêche aux crabes. Si leurs ressources dépendent de la fiscalité générale et de son rendement, elles sont totalement autonomes et matière budgétaire par dotation qui revêt un caractère obligatoire. Et chacune peut décider de son régime sur son territoire.
Mieux, ou pire pour certains, la Chambre Territoriale des Comptes vient de rappeler que les investissements des provinces étaient limitées à leur géographie. Si ce n’est pas un “chacun chez soi” …
La “partition” a bel et bien été effectuée il y a 30 ans. Elle n’a pas provoqué le malheur des populations, même si lors de son application, une grande appréhension avait été ressentie notamment dans le Nord par l’installation d’une majorité indépendantiste.
Donner plus ou moins de pouvoir aux provinces ne changera pas cette réalité. D’ailleurs, même le Congrès, aujourd’hui, n’est pas une assemblée constituée de manière autonome : ce sont les provinces qui le constituent par une clé de représentation en leur sein. En quelque sorte, le Congrès, et par voie de conséquence, le gouvernement qui est élu par lui, sont une émanation des collectivités centrales et “différenciées” que sont les provinces. D’ailleurs, les seules élections générales prévues pour la constitution de ces organes sont les élections provinciales.
S’il avait fallu diaboliser la “partition”, il convenait de le faire en 1988. Mais aucun procès en “partition” n’a alors été instruit contre Michel Rocard, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur …