
Dans le concert de la crise du Covid, l’affaire est presque passée inaperçue. Et pourtant, sur le court, moyen et long terme, c’est un des fondements de notre survie économique et sociale qui vient d’être sauvée grâce à un vote unanime de l’assemblée de la province Sud pour approuver les nouvelles conditions de reprise de l’usine du Sud. C’est qu’en effet, bien que majeur, l’accord politique récemment signé n’engage que les signataires. Le vote de la province Sud, lui, engage la collectivité compétente sur les conditions minières de la vente, même si le sujet de la société publique disposant des titres miniers doit faire l’objet d’une modification du Code minier, compétence du Congrès.
UN ACCORD QUI PERMET LA VENTE ET LE RACHAT DE L’USINE
L’unanimité du vote, et l’engagement de la province Sud a plusieurs effets économiques, sociaux et politiques.
Le premier, c’est qu’il permet juridiquement de répondre aux conditions de la vente, aussi bien du propriétaire cédant, Vale, que de l’acquéreur, Prony Resources qui sera dénommée commercialement Goro Resources. En clair, l’assemblée du Sud a levé les derniers obstacles à la reprise de l’usine qui pourra être formalisée dans les jours à venir.
RESTAURER LA CONFIANCE DES INVESTISSEURS
Le second est le rétablissement d’une certaine confiance parmi les investisseurs. La Nouvelle-Calédonie est devenue, dans le monde des affaires, une zone d’investissement à risque. C’est un boulet dont le territoire doit progressivement se séparer pour redevenir attractif aux yeux des investisseurs nationaux et internationaux dans tous les secteurs de l’économie. La conclusion d’un accord après plusieurs mois de violence et de mise en danger d’un outil industriel qui a coûté près de 1000 milliards de francs CFP, puis sa validation par une institution de la Calédonie est venue quelque peu redorer le blason de l’archipel. Et d’abord, il est de nature à inspirer la confiance de Trafigura, du partenaire australien, de la Banque Rothschild et de Tesla. Des opinions qui portent, au plan mondial.
LA CAFAT ÉVITE LA CATASTROPHE IMMÉDIATE
Le troisième est la mise hors de danger de mort de notre système de protection sociale. Et incidemment, de santé. Certes, chacun sait que la Cafat est déjà en situation périlleuse. Cependant, un plan sérieux de redressement est prêt à être mis en œuvre. Mais avec l’échec ou le succès de la reprise de l’usine du Sud, il y avait dans la balance de l’emploi et des cotisations sociales le poids de 3.000 salariés, au bas mot. Nul doute que la fermeture de l’usine et les conditions dans lesquelles cet arrêt d’activité serait intervenu auraient eu des effets mortifères sur la consommation, l’investissement local, et de manière patente, la survie d’une certain nombre d’autres entreprises calédoniennes.
UNE PERSPECTIVE DE DIALOGUE ENTRE LOYALISTES ET INDÉPENDANTISTES
Le vote de l’assemblée du Sud traduit en termes juridiques l’accord politique sorti du chapeau, presqu’à la dernière minute, signé entre les indépendantistes, Union Calédonienne et Palika inclus, et Les Loyalistes. Certes, Calédonie Ensemble qui s’obstine à ronchonner, n’y était pas. Mais le parti, toujours en ronchonnant, a voté.
A l’approche d’un possible troisième référendum qui sera celui de tous les dangers, un débat préalable sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie pour les uns, sur celui de Kanaky-Nouvelle Calédonie pour les autres, est la condition indispensable pour maintenir la paix sur le territoire.
Les indépendantistes avaient choisi les « bilatérales » directement avec « l’État colonial ». Or l’accord sur l’usine du Sud résulte d’une « bilatérale » entre partis politiques locaux. La voie est peut être ouverte pour qu’un dialogue s’instaure pour atteindre ce Graal institutionnel que constitue, -rappelons que le terme est de Jacques Lafleur- la Solution Consensuelle. Comme écrivait Mark Twain, et d’autres, « ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ».