
Sous la plume de Jean-Luc Wachthausen, l’hedomadaire Le Point revient sur la traditionnelle cérémonie des Césars du cinéma français en étrillant la vulgarité qui s’y est étalée. Nous reproduisons ci-dessous cet excellente chronique.
César 2021 : au secours, n’en jetez plus
CHRONIQUE. Une soirée plombée par les slogans politiques, des grossièretés… la cérémonie a donné une image nombriliste et dégradante du cinéma français.
Jean-Luc Wachthausen
Du jamais-vu en quarante-six ans de César ! Par chance, on nous avait prévenus : le cru 2021, après le psychodrame Polanski l’an dernier, annonçait des lendemains qui chantent et l’avènement de la fête qui va de pair. On s’attendait au pire et on l’a eu. Portée par une Marina Foïs très pipi-caca, la soirée a coché toutes les cases du meeting politique et du cabaret pétomane. Pas la fête du cinéma, non, mais la fête de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, pressée de faire quelque chose, comme si elle ne faisait rien pour la profession qui bénéficie de toutes les aides possibles. Place aux nantis de la culture dans ce bal des hypocrites où chacun y allait de son couplet entre deux merde, couilles, bite, trou noir… Les auteurs des sketchs, Blanche Gardin et Laurent Laffite, s’y noyaient dedans. Un océan de vulgarité porté par la maîtresse de cérémonie, obsédée de savoir si « la taille, ça compte ? », rappelant « N’oublions pas que, sans la lumière, la coloscopie ne serait qu’un trou noir » ou n’hésitant pas à déclarer : « J’appelle Xavier Dupont de Ligonnès. » On en redemandait !
Entre deux césars tendus du poing, on a eu droit aussi à quelques rappels sur la sécurité globale, l’islamo-gauchisme et la culture non essentielle. Entre show-biz et communautarisme, Jean-Pascal Zadi, encore plus énervé que dans son film Tout simplement noir, cita Frantz Fanon et Adama Traoré. L’insoumise Corinne Masiero, en costume Peau d’Âne et avec des tampons hygiéniques aux oreilles, se mit à poil par solidarité avec le métier. Vincent Dedienne blagua sur Hitler, Jeanne Balibar, habillée en Chanel, rappela qu’il ne fallait pas oublier les actrices de 40 ans, Nathalie Baye devait répondre si elle était bien « une mère de… », Isabelle Huppert, très chic et au-dessus de la mêlée, sommait le gouvernement de rouvrir les salles de cinéma et Chiara Mastroianni donnait la parole à la CGT Spectacle.
« Adieu les cons » : un titre de circonstance…
Et le cinéma, dans tout ce concours nombriliste et démagogue ? On avait l’impression qu’il jouait les utilités. Chacun parlait beaucoup de soi et personne ne pouvait dire que la diversité et la parité n’existent pas dans cette grande famille. Par chance, Catherine Ringer, Benjamin Biolay et Alain Souchon redonnaient un peu de chaleur humaine, de légèreté à cette soirée. Réunie sur scène, la troupe du Splendid, qui a fait plier de rire la France entière, voyait d’un seul coup son passé insouciant resurgir dans un présent chaotique où l’on ne joue plus la comédie. Sobre, Louis Garrel se fendit d’un bel hommage au grand scénariste Jean-Claude Carrière, grand amateur de la brouillade d’asperges sauvages, et dont le génie de scénariste brilla à travers le monde. Des images de César et Rosalie, Vincent, François, Paul et les autres ou Un éléphant ça trompe énormément nous rappelaient que le cinéma français, au temps de Jean-Loup Dabadie et de Michel Piccoli, savait rire et émouvoir avec talent et élégance.
Bon, ça, c’était avant les César 2021.
Finalement, Adieu les cons, un titre de circonstance, donnait d’un seul coup raison à Michel Audiard (« Les cons, ça ose et c’est même à ça qu’on les reconnaît. ») et à Albert Dupontel, grand vainqueur de cette soirée calamiteuse qu’il a eu le nez d’éviter.