2021 : QUELLES CERTITUDES ET QUELLES INTERROGATIONS ?

L’année 2020 a été celle de la catastrophe du Covid dans le monde. La Nouvelle-Calédonie l’a surmontée de la meilleure façon en restant indemne du coronavirus. En revanche, c’est en interne que les conditions d’un chaos économique ont été fabriquées. A l’aune de cette année nouvelle, de quoi les Calédoniens peuvent-ils être sûrs et quelles interrogations demeurent ?

Les certitudes sont les plus évidentes et les plus banales. La vie va continuer, la Nouvelle-Calédonie demeure dans la République jusqu’au prochain référendum, les journées seront rythmées par le lever et le coucher du soleil. C’est peu. Deux bonnes nouvelles cependant, au titre de quasi-certitudes : la dengue a pratiquement disparu à Nouméa grâce à l’opération Wolbachia menée par la Ville, l’Institut Pasteur et l’Université australienne de Monarsh d’une part, l’accès à des vaccins anti-covid qui sera possible grâce aux commandes de la France d’autre part.

C’est dire si les interrogations sont légion ! Elles relèvent de plusieurs ordres : l’évolution de la situation sanitaire, la résolution de l’impasse budgétaire, le sort de Vale NC, celui de la SLN, l’emploi et l’économie, le devenir de la Cafat, la date du 3e référendum, la cherté de vie, le devenir du « vivre ensemble » ou encore les décisions de Justice concernant les exactions liées à la reprise de l’usine du Sud.

Comment évoluera le protocole sanitaire au fur et à mesure des vaccinations anti-covid ? Si aucune date précise n’a encore été avancée sur les premières vaccinations, on peut imaginer qu’elles pourraient s’effectuer assez rapidement. La Polynésie a annoncé la livraison de 15.000 doses Pfizer dès la mi-janvier. Comment n’en serait-il pas de même localement, même si évidemment la situation sanitaire est bien différente dans les deux territoires ? En tout cas, ce ne sont pas les vaccins qui devraient manquer, compte tenu du rythme très lent des vaccinations en métropole (moins de 400 vaccinations depuis le 27 décembre). La question que se posent les Calédoniens concerne plutôt l’évolution du dispositif sanitaire à l’entrée : maintien de la quatorzaine pour les entrants vaccinés ? Autres questions : quelles règles sanitaires d’entrée en Australie et en Nouvelle-Zélande, et quelles règles pour voyager ainsi que pour le travail des navigants à bord des avions ?

Comment résoudre l’impasse budgétaire de la Nouvelle Calédonie ? Si aucun projet de budget n’a été présenté, c’est que cette impasse est gigantesque à l’échelle du territoire. Une certitude cependant : les capacités de prélèvements supplémentaires locales seraient insuffisantes pour équilibrer les comptes. On voit mal comment, sans une intervention de l’Etat, l’écueil pourrait être surmonté.

Le sort de Vale NC est évidemment au cœur de toutes les interrogations. Un compromis de vente a été signé entre Vale et Prony Resources. Ce sont les troubles et les attentats contre l’usine du Sud qui peuvent empêcher la finalisation de cet accord. C’est donc un bras de fer, enrobé dans un contexte de « retour au dialogue », qui a été entrepris. En jeu, les emplois, bien sûr, mais également le sort de la Cafat et le séisme social et économique qui résulterait de la mise sous cloche de l’usine. Une date ? Difficile à avancer. La décision incombe à Vale qui a fixé comme échéance la fin janvier.

La SLN sera-t-elle en cessation de paiement en mars ? La mandataire ad hoc se démène pour tenter de trouver une issue positive à la situation de la société qui approche la désespérance. En cause : les blocages sur mine, empêchant un approvisionnement suffisant en cette période de forte demande de nickel, et l’absence de feu vert par le Congrès pour les exportations de minerai non traitable sur le territoire.

L’emploi et l’économie font aujourd’hui l’objet d’une navigation à vue, du moins pour certains secteurs plus touchés que d’autres. Pour l’emploi, les interrogations concernent sa pérennité à Vale NC et à la SLN, et peut être à KNS.  Si l’une ou plusieurs de ces entreprises fermaient, la Calédonie subirait, de toute façon, un séisme économique, social et politique dont on peut mal mesurer les effets. Notre économie, hors nickel, se porte du mieux qu’elle peut en crise Covid, à l’exception du tourisme international, des croisières et du transport aérien international. L’arrivée des vaccins anti Covid va contribuer à débloquer cette situation. Les croisières pourraient reprendre en 2022, mais dans quelles conditions ? Quant au tourisme international et aux voyages, le redémarrage, en cours d’année, devrait être timide avec, prétendent les experts, un retour à la normale en 2024.

La Cafat est au bord du gouffre, mais cette situation n’est pas nouvelle. Disons qu’elle s’en rapproche. Un plan existe pour un retour progressif aux équilibres financiers, pour l’assainissement de la gestion, et pour la mise en place d’une gouvernance plus vertueuse. Mais quand ? Ce sont les élus du Congrès qui pourront, ou pas, dépasser les divisions intestines et enfin, décider.

Le troisième référendum en 2021 ou en 2022 ? Dans un contexte ultra-compliqué de conflit sur l’usine du Sud, de devenir de la SLN, d’entrée en campagne pour les élections présidentielles françaises, on voit mal un référendum en 2021. Ou l’inverse.

Les progrès pour améliorer la situation des prix en Nouvelle-Calédonie sont possibles, mais seront-ils mis en œuvre ? Le rapport produit sur le sujet par l’Autorité de la Concurrence calédonienne est sans précédent par l’étendu de son analyse, et les recommandations proposées. Mais comme le souligne le dit rapport, ce sont désormais les élus qui ont la suite en main.

Quelles décisions de Justice pour les auteurs et les responsables de exactions de la fin 2020 ? Quelques auteurs ont été traduits devant les tribunaux. Mais reste ceux dont l’identification et l’arrestation sont encore à venir. Les faits les plus graves sont les incendies à caractère criminel ayant pour cible les installations de l’usine du Sud. Ils ont mis des vies en danger. Lorsque les auteurs seront jugés, quel degré de sanction leur sera appliqué ? Reste enfin les responsables, les véritables donneurs d’ordre, tant il est vrai que le caractère spontané de ces violences est, au minimum, douteux. Seront-ils mis en cause, en cas de responsabilité avérée ?

Le « vivre ensemble » est-il devenu une ambition ou une obligation ? 2020 a cristallisé une quasi-rupture sociologique, déjà constatée lors des deux premiers référendums, et illustrée par les auteurs des barrages et des exactions. Les semaines et les mois qui viennent apporteront une réponse à ce qui fut une des grandes ambitions des Accords de Matignon et de Nouméa.

Les autres interrogations liées au contexte local de 2020 sont nombreuses, mais relèvent des questions sectorielles. En revanche, les gens de bonne volonté se demandent simplement si en 2021, ils verront éclore l’espoir d’un renouveau calédonien, celui de construire au lieu de détruire.