
Calédonie Ensemble a rendu publique sa position selon laquelle “l’Etat doit prendre la main” dans la négociation de reprise de l’usine du Sud. Les députés ont annoncé que lors de la prochaine conférence des participants au “groupe Leprédour”, ils formuleraient cet avis qui porte, à la fois, des conséquences politiques et économiques. La télé n’a pas manqué d’établir un parallèle entre cette initiative, et l’opinion plus nuancée du Palika pour qui “l’Etat doit jouer son rôle” dans un contexte de “décolonisation”. Décryptage.
SI L’ETAT GÉRAIT SEUL CE DOSSIER, QUID DES COMPÉTENCES PROVINCIALES ?
Les compétences inscrites dans le statut de la Nouvelle-Calédonie dans la loi organique de 1999 confèrent aux provinces la gestion, pour ce qui les concerne, d’une telle affaire. Le domaine minier, les autorisations de recherche et d’exploitation, la préservation de l’environnement, ce sont des compétences des provinces. Si l’Etat “prenait la main”, au lieu d’être un facilitateur et un acteur de ses propres compétences, ce qu’il fait actuellement, il faut comprendre qu’il lui faudrait quasiment écarter la province Sud.
Cela n’est évidemment pas possible juridiquement. En revanche, l’Etat peut “alourdir” son rôle de facilitateur en demandant, par exemple, que soient explicitées, dans une conférence ouverte, les lacunes éventuelles de la proposition Sofinor/Korea Zinc.
LES PRÉCÉDENTS
S’agissant des grandes opérations minières et métallurgiques, quel a été le rôle de l’Etat ?
En 1975, alors que la SLN était en quasi-faillite, l’Etat a répondu au désengagement annoncé du groupe Rothschild en faisant reprendre le capital par Elf-Aquitaine, puis a “convaincu” l’Assemblée territoriale de substituer un régime d’impôt sur les bénéfices en lieu et place d’une taxe sur les exportations de produits et minerais. Il avait, en contrepartie, accordé une avance de 34 milliards au budget calédonien pour compenser ses pertes de recettes. Le remboursement de cette avance a été annulé il y a une dizaine d’années.
Dans l’implantation d’Inco et la construction de l’usine du Sud, c’est Jacques Lafleur qui a joué un rôle majeur. C’est à son invitation que le patron du leader mondial nickel de l’époque, Scott Hand, était venu en province Sud. Puis le RPCR avait conduit, au Congrès, l’instauration du régime fiscal privilégié nécessaire à cette implantation
S’agissant de l’usine du Nord, le préalable au discussions de la “solution consensuelle” proposée par le même Jacques Lafleur, dénommé “préalable minier”, a été levé par la pression exercée par l’Etat, puissant actionnaire de la SLN, pour l’échange du massif du Koniambo à la SMSP, en contrepartie d’une soulte d’une vingtaine de milliards FCFP versée à la Société le Nickel.
LE REFUS D’INTÉRÊTS PRIVÉS CALÉDONIENS DANS UNE ENTREPRISE MÉTALLURGIQUE RÉPOND À UN MODÈLE ÉCONOMIQUE
En affirmant que “les intérêts calédoniens doivent être des intérêts publics (et non privés)”, Calédonie Ensemble exprime une conception analogue à celle de la province Nord et confirme les orientations économiques appliquées durant la présidence gouvernementale de Philippe Germain.
L’interventionnisme public répond ainsi à une conception de l’économie qui s’oppose, en ce qui concerne la reprise de l’usine du Sud, à l’actionnariat des salariés, l’actionnariat populaire et celui des clans coutumièrement concernés.
LE PRÉCÉDENT DE L’ILE DES PINS
Il est remarquable que l’inverse de ce modèle économique fut appliqué, par exemple, en province Sud, à l’Ile des Pins.
Dans ls années 1990, tout le développement touristique de Kunié fut accompagné par la province Sud, mais avec pour finalité la propriété privée individuelle ou collective.
L’exemple le plus frappant est le Méridien de l’Ile des Pins où, dans la SCI propriétaire des murs, la majorité est détenue par les propriétaires coutumiers
En dépit de vives oppositions sur l’île (lieu tabou, barrages, déclarations publiques, et pressions de toutes sortes), et avec l’assentiment du Grand Chef, l’hôtel avait été construit et géré par la SHN. Sans problèmes particuliers.
MODÈLE ETATIQUE ET MODÈLE LIBÉRAL
Le principe d’une participation publique majoritaire dans de tels investissements métallurgiques est que le risque est porté par le contribuable. C’est à dire, pour la petite Nouvelle-Calédonie, impossible à porter.
Dans la SLN, la STCPI, portant les intérêts publics locaux, serait incapable de “verser au pot” pour le sauvetage de la société.
Si demain, Glencore jetait l’éponge dans l’usine du Nord, sans repreneur, ce serait un effondrement économique.
Dans l’usine du Sud, les provinces ont été incapables de financer leur participation et l’achat des actions du BRGM.
Qu’en serait-il, si d’une manière générale, les collectivités calédoniennes étaient appelées en responsabilités financières dans de telles entreprises ? C’est la question de fond.