
Ce second référendum a une vertu : ouvrir un débat sur l’indépendance d’une part, le maintien de la Calédonie dans la France, d’autre part. En 2018, chacun était resté sur ses slogans, ses vérités toutes faites ou ses incantations. Probablement faussée par un sondage annonçant cette fameuse victoire du “Non” par 70% contre 30%, la campagne électorale loyaliste avait fait pschitt. En laissant pratiquement tout le champ aux indépendantistes.
Cette fois, les deux camps ont du aborder le vif du sujet. D’un côté, les loyalistes ont rappelé des vérités incontestables : les dépenses de la France en Nouvelle-Calédonie, et leur suppression en cas d’indépendance, la démocratie garantie par le République française et ses valeurs issues de son histoire autant que de la Constitution. De l’autre côté, les indépendantistes ont du répondre -ou tenter de répondre- à de réelles interrogations touchant à l’emploi, au niveau de vie, au maintien des services publics, en cas d’indépendance.
Le ton est resté plutôt serein, durant la campagne. Certes, des propos plus ou moins réalistes, des affirmations plus ou moins crédibles ont été assénés, ça et là, mais on pourrait dire que le premier face à face Trump-Biden, entrecoupé de noms d’oiseaux, a été infiniment plus violent que celui opposant Brial, Dunoyer, Metzdorf, Tyuienon, Washetine et Washetine sur NC1ère.
Les indépendantistes ont su maintenir une tendance au rêve pour leurs troupes. Ils ont insisté sur les concepts de “libération” d’un régime dit colonial, sur l’exaltation d’une nouvelle nation naissante, sur un changement pour un monde meilleur. La rhétorique du mouvement de décolonisation des années 60 marche encore.
Les loyalistes ont su faire émerger du rêve des réalités plus prosaïques, mais touchant à la “vraie vie”. Ils ont, cette fois, parlé de la France avec du coeur, mais ils ont aussi souligné l’absence de réponses crédibles des indépendantistes sur la baisse de moitié des budgets publics en cas d’indépendance, et des conséquences corrélatives, forcément désastreuses, sur l’économie, l’emploi, la santé, la protection sociale, le niveau d’enseignement, le niveau de vie de la population de Kanaky.
La question cruciale de la nationalité s’est également invitée dans le débat. Le rapport Courtial-Soucramanien donnait déjà quelques informations sur le sujet. Des juristes calédoniens s’y sont investis. Et même, de Paris, Alain Christnacht a pris sa plume pour “poster” sur son profil Facebook. Au total, personne ne peut être péremptoire sur le devenir des nationalités en cas d’indépendance : la réponse appartient aussi bien à la France qu’à un éventuel futur Etat qui n’existe pas.
Les indépendantistes ont eu du mal à expliquer la viabilité économique et financière de Kanaky, reportant ce sujet à des discussions avec la France pendant la période de transition, dans l’hypothèse d’une victoire du “oui”. Difficile de croire, pour autant, que finalement rien de changerait en matière d’interventions de l’Etat en cas d’indépendance qui signifie bien rupture avec la France et avec l’Europe, y compris l’euro. D’ailleurs, pour la première fois, un parti indépendantiste, Dynamique Autochtone, a appelé à voter “non”.
C’est dimanche soir que le résultat sera connu, et pas avant. Mais un constat s’impose : au cours de cette seconde campagne référendaire, il a fallu “rentrer à l’intérieur des mots”, considérer la majorité des électeurs comme des adultes responsables, et commencer un débat “projet contre projet”. C’est déjà un progrès.