24 SEPTEMBRE, LA CONSÉCRATION DES RUPTURES

« Dans le temps », la fête du 24 septembre avait un incomparable éclat. Arrivée des pirogues, courses de hord-bords, « baraques », manifestation en tout genre, la Nouvelle-Calédonie vivait au son du « rattachement à la France ». Les choses se sont progressivement gâtées à partir de 1969, avec la revendication anti-coloniale lancée par Nidoish Naisseline et les Foulards Rouges, l’éclatement de l’Union Calédonienne modèle « deux couleurs, un seul peuple », et en 1975, la première revendication d’indépendance.

Deuil kanak pour les uns, arrivée de la France pour les autres, le jour de « la prise de possession » a été source de conflit politique, jusqu’à l’initiative de Dewe Gorodey de célébrer la rencontre de deux mondes culturels ce 24 septembre 1853, sur les rivages de Balade. Et comme l’Accord de Nouméa avait instauré une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, la date fut choisie pour célébrer cette citoyenneté, et le deuil fut levé. Clou de cette évolution : le Mwa Kaa, dressé baie de la Moselle, où quelques temps années plus tard allaient être hissés « les deux drapeaux ».

Depuis, la greffe n’a pas pris.

Certes, le gouvernement organise chaque année, avec beaucoup de bonne volonté, cette Fête de la Citoyenneté. Cette année, les représentants de 12 communautés s’étaient donnés rendez-vous au Centre Tjibaou, montrant la diversité culturelle -et gastronomique-, de la Nouvelle-Calédonie.

Sur la place du Mwa Kaa, les drapeaux et la fréquentation essentiellement mélanésienne ressemblaient davantage à une ode à Kanaky, qu’à la célébration du Mwa Kaa originel.

A la Foa, on a célébré les pionniers. A Paita, le maire a déposé une gerbe au monument aux morts.

Mais pour le reste, c’est à dire les 267.000 Calédoniens qui n’ont pas fréquenté ces lieux, l’impression est que … tout le monde s’en fiche. Il est vrai que dans 10 jours à peine, les électeurs concernés par le référendum auront le choix entre mettre un terme à une histoire qui a commencé justement le 24 septembre 1953, ou non. Alors, quoi de plus normal que la date puisse faire rupture.

D’ailleurs, la notion de peuple uni dans une même citoyenneté est désormais contrebattue par la mise en valeur des communautés. En effet, dans le chapitre « prenons des vessies pour des lanternes », la notion de « peuple calédonien » dont la cohésion devrait être, selon la théorie du « peuple », assurée par l’adhésion à un citoyenneté, est annihilée par le maintien, ou la montée des communautarismes !

On a l’impression qu’en Calédonie, plus certains parlent de peuple, et plus ils exaltent la négation de l’existence de ce peuple par l’expression des valeurs communautaires. L’émergence de l’Eveil Océanien, parti communautaire wallisien et futunien, en est l’illustration politique.

La réalité, c’est que la citoyenneté calédonienne, gelée, n’a été qu’un moyen d’exclure pour la durée de l’Accord de Nouméa, 42.000 citoyens français en âge de voter.

Accessoirement, elle sert à alimenter des revendications syndicales parfois justifiées, parfois excessives au prétexte que la citoyenneté calédonienne serait gage de compétence.

Au total, le 24 septembre n’est plus ce qu’il a été. Il n’est pas encore … ce qu’il pourrait être. Quoi donc ? C’est encore la question.