
Voila quatre Calédoniens <Jenny Briffa, Emmanuel Tjibaou, Louis Lagarde, Jean-Marie Wadrawane> qui produisent, dans un contenu volontariste et remarquablement intellectualisé, une photographie de la pensée calédonienne totalement actuelle, face à des analyses décalées de l’ultra gauche hexagonale. Remettre Edwy Plenel à sa place ne manque pas d’audace. Mais ils en ont la légitimité par leur histoire et leur personnalité, d’autant qu’ils ne représentent nullement l’expression d’un courant politique partisan. À sa place, la France y est, loin des caricatures paternalistes et coloniales, mais la responsabilité des élus calédoniens aussi. Et même si la Calédonie, à certains égards, paraît “fin mal barrée”, la pensée rafraîchissante de leur tribune publiée dans “Le Monde” peut donner quelque espoir sur l’intelligence de chez nous.
AVOIR LE COURAGE DE LA NUANCE
Ils étaient enfants pendant les “événements” de 1984 à 1988. Dans une tribune publiée dans le journal “Le Monde”, 4 personnalités du territoire se définissant comme “des intellectuels calédoniens”, sortent “du silence pour dire notre exaspération face à une pensée simplificatrice venue de métropole. Comme celle d’Edwy Plenel“.
Dans la posface de l’ouvrage “Une décolonisation au présent”, Plenel écrit : “Soit <la France> persiste dans ses logiques de puissance et d’appropriation (…) Soit elle saisit cette occasion pour se libérer elle-même de la question coloniale, en accompagnant l’indépendance en relation voulue par les indépendantistes de Kanaky“. Pour les auteurs de la tribune, cette analyse relève d’une “grille de lecture datant des années 80“. Ils soulignent la réalité de la situation dans la Nouvelle-Calédonie “tellement complexe” d’aujourd’hui et appellent à “avoir le courage de la nuance“.
CONTRE-VÉRITÉ ABSOLUE
“Nourrir un discours de victimisation des Calédoniens d’origine kanak qui, en 2020, seraient les délaissés de l’Etat colonial, est non seulement une contre-vérité absolue (des programmes de discrimination positive existent, des investissements colossaux ont été réalisés pour l’éducation des jeunes Kanak, pour le développement des provinces administrées par des élus indépendantistes) mais entretient l’idée que tout mérite réparation, que tout est un dû.”
Cette analyse provoque des “conséquences délétères”, émergeant dans toutes les communautés, “demandes farfelues d’embauches” par exemple.
Pour autant, écrivent les 4 Calédoniens, l’identité calédonienne qui se “créolise” n’efface, ni les ombres du passé, ni les retards pour ce qui est de l’accès aux responsabilités des Kanak. A qui la faute ? “Ce sont nos élus qui n’ont pas su assez réformer le pays. La France d’aujourd’hui n’y est pour rien. L’incurie est calédonienne.”
Pourtant, point d’auto-flagellation car “quel pays peut s’enorgueillir d’être passé si vite d’un état de guerre civile à cette créolité en consolidation ?” Soulignant l’évolution d’un affrontement physique et violent vers un scrutin démocratique, et mettant en relief les interrogations définissant d’autres contours que ceux, abrupts, d’un bloc contre un autre, ils affirment que “nous ne sommes pas là pour panser les maux de la mauvaise conscience française, mais bien pour sortir d’une pensée idéologisée et aller vers une pensée qui objective”.
DES LEÇONS À RECEVOIR DE PERSONNE
En conclusion, message direct aux intellectuels et aux journalistes métropolitains qui veulent, illégitimement, dévoyer la réalité calédonienne, les 4 intellectuels du pays écrivent, avec une certains ironie, “Nous, Calédoniens, qui démontrons au quotidien notre capacité à penser contre nous-mêmes, n’avons de leçon à recevoir de personne“.
Facebook Jenny Briffa





