LEVÉE DU CONFINEMENT OU NON EN CALÉDONIE ? POURQUOI LA DÉCISION EST DIFFICILE

Alors que le territoire est pour l’instant plutôt épargné par la pandémie de covid-19, le délai de confinement de 15 jours fixé par les autorités arrive bientôt à échéance. Selon le dernier communiqué du gouvernement, «  Le président du gouvernement et le Haut-commissaire de la République réuniront le conseil scientifique jeudi 2 avril pour faire le point sur le confinement strict de la population et son éventuelle prolongation ». En clair, le confinement sera-t-il prolongé ou, au contraire, les Calédoniens pourront-ils à nouveau circuler librement et les élèves reprendre le chemin de l’école ? Décision bien plus difficile et plus périlleuse qu’il n’y paraît, et que ne résume certainement pas à une simple question de délai. C’est la santé de toute une population qui est effectivement en jeu. Cette question fait déjà débat pour la métropole, et un expert britannique a publié une étude qui semble faire autorité. Et qui est saisissante. Débat.

UNE SITUATION INÉDITE qui apporte chaque jour son lot de questionnement et de leçons, telle est la crise du coronavirus. Plusieurs questions sont au centre de toutes les interrogations : qui est contaminé, qui ne l’est pas, qui est immunisé, et qui ne l’est pas ? Autrement dit, en cas de levée du confinement, comment garantir que l’épidémie ne connaîtra pas un « rebond », et, en Calédonie, se répandra au sein de toute la population alors qu’un seul cas « autochtone » a, jusqu’à présent, été constaté ?

LA PRESSION DU SECTEUR ÉCONOMIQUE est prégnante, car des milliers de salariés et des centaines d’entreprises ne savent pas comment vivre, au delà du 31 mars, et parfois, survivre. Le dispositif de soutien, par les collectivités locales et l’Etat, sera sans précédent. Sera-t-il soutenable ? Probablement si la France s’engage comme elle l’a promis, mais la casse économique sera de toute façon, terrible.

Faut-il pour autant, comme l’a décidé Donald Trump pour les Etats Unis, privilégier l’économie par rapport à la santé de la population ? Cornélien, et peu probable, dans une collectivité française.

L’ÉQUIPE DE CHERCHEURS DU BRITANNIQUE NEIL FERGUSON est considérée comme l’une des meilleures équipes d’épidémiologistes au monde. C’est Neil Ferguson qui a convaincu Boris Johnson de décider, dans un second temps, les mesures de confinement pour la Grande Bretagne. Dans le cas contraire, l’expert avait avancé le chiffre de 510.000 morts en Grande Bretagne, et de 2,2 millions de morts aux Etats Unis.

L’étude de Neil Ferguson a récemment été présentée à Emmanuel Macron. Il ne fait pas de doute que ses modèles vont peser sur les conditions dans lesquelles va s’effectuer la sortie du régime de confinement. Il peut être question, non pas de semaines, mais de mois …

LE CONFINEMENT « APLATIT » LA COURBE DES INFECTIONS, mais ne stoppe pas définitivement l’épidémie, souligne cette étude. Elle étale la contamination sur une période plus longue. Plus inquiétant, les auteurs indiquent que  » plus cette stratégie sera efficace pour une neutralisation temporaire, plus importante sera l’épidémie à venir en l’absence de vaccination« .

Et de rappeler que pour la grippe pandémique de 1918, le fameuse « grippe espagnole », le monde entier a été touché en 3 phases. Et c’est la seconde phase qui a été de loin la plus mortelle …

LA FIN DE LA PANDÉMIE n’interviendra que lorsque suffisamment de personnes seront immunisées. Un norme est admise : stopper l’épidémie, c’est faire en sorte que chaque personne infectée contamine moins d’une personne en moyenne.

Pour atteindre ce résultat, il n’y a pas 36 solutions: il faut, soit avoir été infecté par le virus du Covid-19 et être guéri, soit avoir été vacciné.

POUR « SORTIR DU BROUILLARD », ET EN ATTENDANT LE VACCIN, LA SÉROLOGIE appliquée à grande échelle pour savoir qui a développé des anticorps et se trouve immunisé, et qui risque encore d’être contaminé, est le moyen avancé par de nombreux spécialistes.

La rapidité du test, sa précision par la mise en évidence d’anticorps ou non, est probablement la solution, non pas pour guérir de la maladie, mais pour aider à prendre la décision de sortie du confinement. Et décider de tout un dispositif de surveillance et d’accompagnement. Dans cette hypothèse, il faut d’abord disposer des tests qui ne sont pas encore sur le marché.

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DANS L’INTERVALLE, CERTAINES MESURES DEVRONT ÊTRE PROLONGÉES, notamment les gestes barrière et la distanciation sociale. Mais pas que.

Toujours en l’absence de vaccin, et si les mesures de confinement étaient partiellement ou intégralement levées,  poursuit l’étude de Ferguson, il serait nécessaire d’appliquer par intermittence pendant de longs mois ces différentes mesures auxquelles s’ajouteraient celles allant de l’isolation de cas à la fermeture d’écoles. Au moindre signe de retour d’un pic épidémique, des fermetures et autres confinements devraient être à nouveau mis en place pour, encore une fois, endiguer la progression de l’épidémie. En attendant d’avoir un vaccin pour en finir véritablement avec le nouveau coronavirus.

LA CALÉDONIE A LA CHANCE D’ÊTRE UNE ÎLE, et de surcroît, le gouvernement et le Haut-Commissaire ont su, en temps et en heure, prendre les bonnes décisions.

Mais pour une éventuelle levée des mesures de confinement, les questions déjà évoquées s’imposeront aux décideurs. Dans le « package » de décisions, l’ouverture ou non du ciel sera une donnée importante.

La Chine comme la Corée du Sud, déjà, après avoir claironné un quasi-endiguement de l’épidémie, doivent faire face à un regain d’infections probablement lié à des retours nombreux de citoyens. Les deux pays adoptent actuellement une stratégie consistant à effectuer un grand nombre de tests, ainsi qu’une mise en quarantaine et une distanciation sociale plus ciblées, mais de nombreuses mesures d’urgence sont encore en place.

Et rien ne dit que Pékin et Séoul ne devront pas mettre en place des mesures plus contraignantes dans les mois à venir.

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