L’UNION CALÉDONIENNE TOURNE LE DOS À LA « CHARTE DES VALEURS CALÉDONIENNES »

Première victime collatérale du violent réquisitoire du président de l’Union Calédonienne, le 6 octobre dernier : la fameuse Charte des Valeurs Calédoniennes, déjà accouchée dans la difficulté et la désunion des « loyalistes ».

Présenté comme socle de valeurs partagées perdurant au delà du référendum du 4 novembre, pour être le ciment « du peuple calédonien », elle avait été signée par les représentants de l’Etat, de l’Union Calédonienne, du Palika et de Calédonie Ensemble. Fracture.

LES ANTI-INDÉPENDANTISTES SONT L’AXE DU « MAL »
Dans l’immédiat, la Charte affirme que, face à l’échéance du 4 novembre,  » Nous, responsables politiques, avons décidé d’établir, de porter et de partager la présente Charte des valeurs calédoniennes pour mettre en évidence ce qui rassemble et unit les Calédoniens dans leur diversité. »

Quelques semaines plus tard après cette déclaration solennelle, Daniel Goa déclare que « les anti-indépendantistes » constituent en Calédonie « l’axe du Mal« , et que « ces élus de la peur et du « non » sont en train de nous vendre pour leur seul profit« .

LES KANAK AVEC
Adieu le beau principe inscrit dans le titre II  » Valeurs, droits et devoirs de la personne« , selon lequel les signataires du document reconnaissent  » … le droit à une égale dignité de tous les êtres humains, ce qui exclut toutes discriminations entre les individus, fondées sur l’appartenance communautaire ou ethnique, le sexe, le handicap, l’apparence physique, l’âge, la religion, les convictions philosophiques ou politiques … « 

Mieux, ou pire, cet opprobre vise tous les kanak qui ne partagent pas l’idée d’indépendance. C’est le retour aux principes d’exclusion de 1984.

Après ce violent clivage de ce que certains voudraient voir comme « le peuple calédonien », c’est l’énoncé la « Charte des Valeurs Calédoniennes » qui se fracasse contre le mur de l’intransigeance.

ADIEU LE COMMERCE LIBRE
« Nous protégeons la liberté du commerce et de l’industrie, la liberté d’entreprendre et la liberté de la concurrence, qui favorisent le développement de l’entreprise privée, source d’emplois, d’innovation et de croissance, dans le respect des droits des consommateurs. » promet la Charte.

Mais si le Non l’emporte, prévient l’UC,  » pour cet axe du mal que sont les anti-indépendantistes, c’est perpétuer la politique de pillage, de terre brûlée« . Et si le Oui est majoritaire,  » lenjeu sera de dénoncer les accords commerciaux conclus en notre défaveur durant la période coloniale (titres miniers, pactes fiscaux léonins, énergie solaire, télécommunications, contrats de travail, etc…. ). »

C’est évidemment une conception peu libérale de l’économie et des pratiques commerciales …

ADIEU LE DESTIN COMMUN
 » Concluant que les Calédoniens partagent un socle de valeurs, issu de leur histoire commune, qui fonde leur volonté de vivre ensemble dans une communauté de destin et dans la paix« , se risquent les rédacteurs de la Charte.

Réponse du Codir de l’UC, si le Non l’emporte : « l’ambition de créer un pays avec les invités de l’histoire sera éteinte » et « le pays kanak obtiendra inéluctablement son indépendance, avec ou sans eux »

« Nous ne chercherons plus à nous ouvrir, nous irons peut-être négocier notre souveraineté pleine et    entière directement avec le colonisateur … »  » … Cette fois ci les invités d’aujourd’hui, conformément à leur choix qu’ils devront assumer, ne participerons plus à ces négociations car ils se rangeront derrière leur pays de choix. Que cela soit clair et qu’on ne vienne pas nous le reprocher. »

En matière de destin partagé, de communauté de destin, de destin commun et autres futurs ensembles, il est possible de faire mieux.

UN BILAN NUL ET UN RETOUR AU RÉGIME DE L’INDIGÉNAT
Quant au bilan des Accords – et ne parlons pas de l’Etat puisqu’il « doit admettre que sa présence sur cette terre kanak n’a pas de sens puisqu’elle est issue de cette prise de possession unilatérale, brutale et sans partage » -, il se résume, pour l’UC, à quelques phrases pour le moins radicales :  » … cette organisation sociétale obsolète, celle qui jusque ici nous a relégué dans l’exclusion la plus totale, nous oblige à nous mettre en mode survie, à nous renier pour exister … » ou encore, si la Calédonie demeure au sein de la République,  » Nous redeviendrons des français indigènes du Pacifique et je pèse mes mots. Le régime de l’indigénat resurgira sous une autre forme« .

Pourtant, depuis l’extinction du régime de l’indigénat en 1946, l’accès à la pleine citoyenneté en 1957, à l’ensemble des filières éducatives, ou la prise en main d’une partie des institutions et de l’économie, chacun avait le sentiment que quelques progrès avaient été accomplis …

UNE CHARTE DES VALEURS EN MORT CLINIQUE ?
Tout cela n’est pas autrement surprenant, à la veille d’un référendum qui constitue, avec les deux suivants, la seule possibilité prévue pour l’accession à l’indépendance voulue par les séparatistes calédoniens.

L’originalité des déclarations tient essentiellement à la signature récente d’un document qui se veut solennel, et qui affirme un grand nombre de principes qui sont ignorés aux pieds par le président de l’UC.

La liberté d’opinion étant garantie par la Constitution française,  qu’elle s’exprime n’a rien d’anormal. Quant à l’appréciation de chacun selon justement ses opinions, elle est toute autant libre, réalité pour les uns, déni de réalité pour les autres.

Pour couronner le tout, dans un communiqué, le chef du groupe Uni-Palika au Congrès, parti également signataire de la Charte, affirme quant à lui que « l’avenir, c’est la pleine souveraineté et l’indépendance« .

Alors, comment après ce tumulte de clivage et de radicalisation ne pas considérer que la charte de valeurs, à peine née, n’est pas en situation de mort clinique ?