RÉVOLUTION PROPOSÉE ET NÉCESSAIRE DU SYSTÈME DE SANTÉ ET DE PROTECTION SOCIALE : AUTORITÉ INDÉPENDANTE DE RÉGULATION, REFONTE DE LA CAFAT, FIXATION DE NIVEAUX DE DÉPENSES

Face à la faillite imminente du financement de notre système de santé et de protection sociale, les deux inspecteurs de l’Igas (Inspection Générale des Affaires Sociales) proposent une véritable révolution qui sera salvatrice si elle appliquée. Changement de gouvernance, autorité indépendante de régulation, ce rapport pertinent et novateur devrait sauver et moderniser notre système de santé. Il était temps !

TROIS GRANDS CHANTIERS ET 35 MESURES OBLIGATOIRES
Jean-Louis Rey et Philippe Calmette proposent de révolutionner -dans le bon sens-, notre système de santé et de protection sociale. Un système actuel basé sur une caisse primaire de protection sociale créé par l’Union Calédonienne en 1958, héritant des dispositions de la première Caisse d’Allocations Familiales fondée en 1943 et du régime accidents du travail et maladies professionnelles ouvert en 1957.

Quant au système hospitalier, il a considérablement évolué depuis la fin de l’hôpital militaire Gaston Bourret en fin des années 80.

Les deux inspecteurs ont ouvert trois chantiers :

– la gouvernance, le pilotage et le statut de la Cafat

– la régulation du système de santé

– des mesures techniques avec notamment la modernisation du système d’information et la fixation d’un objectif de l’évolution des dépenses.

Hors ces chantiers, c’est simple : aucune réforme en profondeur n’est possible.

Autre point essentiel : les deux inspecteurs ont recensé 35 mesures et précisent qu’elles forment un bloc. En clair, si les politiques veulent que leurs propositions soient efficaces, ce sont ces 35 mesures, et non quelques unes d’entre elles, qui doivent être implémentées.

LES POINTS POSITIFS – LES POINTS NÉGATIFS
La Nouvelle-Calédonie a beaucoup investi pour améliorer son système santé-protection sociale. Les dépenses sont passées en 20 ans de 12% du PIB à 23% du PIB, un ratio conforme à la moyenne des pays de l’OCDE. Médipole, hopital de Koné, nouvelle clinique sont la marque de ces progrès. Quant à la réflexion sur le long terme, Do Kamo, dans ses orientions, trouve plutôt grâce aux yeux des deux spécialistes. Ce sont les points positifs.

Les points négatifs sont nombreux, et leur identification est essentielle pour « rectifier le tir ».

  • On y trouve ainsi l’absence d’outil de maîtrise de l’évolution des dépenses de santé. Cette maîtrise est essentielle.
  • L’absence de régulation du système de santé et la dispersion des centres de décision est également un handicap et empêche un pilotage efficient du système. Les spécialistes estiment que la création d’une autorité indépendante est nécessaire.
  • Autre handicap : le manque de données. Dossier médical partagé, numéro d’identification de la vie à la mort pour chaque patient, données épidémiologiques, coordination des intervenants, il y a là une importante lacune à combler.
  • Do Kamo est intéressant. Mais le projet manque de précision sur le cap à moyen terme. Il faut, de surcroît, développer en milieu rural, la téléassistance, les téléconsultations pour permettre à des médecins de transmettre les données à un centre hospitalier en vue d’une prise en charge des patients
  • Enfin, les inspecteurs recommandent des rendez-vous obligatoires du gouvernement pour exposer l’évolution de la politique sociale et de santé chaque année pour l’année suivante. En clair, il faut anticiper. Un telle pratique aurait permis d’éviter le conflit récent des cliniques.

NOTRE SYSTÈME EST-IL TROP COUTEUX AU REGARD DE LA POPULATION ?
C’est une question récurrente : notre protection sociale -la meilleure de tout le Pacifique-, nos infrastructures de santé -Médipôle, hopitaux, cliniques-, ne sont-elles pas démesurées au regard de la population calédonienne et de nos moyens budgétaires ?

Selon les spécialistes de l’Igas, la Nouvelle-Calédonie se situe dans la moyenne des pays développés, et ils voient rien d’excessif dans le dispositif local.

Ces dépenses représentent 23% de notre PIB, en métropole, ce taux est de 32% !

En revanche, les circonstances, la mauvaise évolution du système imposent d’urgence des réformes dans la régulation, la gouvernance, la maîtrise de l’évolution des coûts.

LA CAFAT ÉTABLISSEMENT PUBLIC À DEUX COLLÈGES – SUPPRESSION DE L’AGENCE SANITAIRE
La recommandation vise à la transformation de la Cafat en établissement public, ce qui lui permettrait de percevoir directement les ressources provenant de la fiscalité affectée. Dans ces conditions, l’Agence Sanitaire et Sociale serait supprimée.

Toujours dans cette hypothèse, la gouvernance de la Cafat comprendrait deux blocs :

-un bloc paritaire pour gérer 3 régimes privés (retraite-assurance chômage et accidents professionnels), les partenaires sociaux étant pleinement responsables,

– un collège pour gérer les régimes universels tels le Ruamm et les prestations familiales, représentant les représentants de toute la population calédonienne.

RÉFORME DU CONTRÔLE MÉDICAL, ENFIN !
Notre contrôle médical date de 30 ans et n’a jamais suivi les évolutions de modernisation. Jugé archaïque, il manque de pilotage et doit être unifié. Pour gagner en efficacité, il est nécessaire d’instaurer un suivi au jour le jour. Pour gagner en transparence,  les indicateurs de résultats et le rapport du comité de suivi seraient publiés chaque année.

SURVEILLANCE DES COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE
Il est indispensable d’indiquer toutes les données de protection sociale dans des documents accessibles. Ceux-ci seraient établis par une commission des comptes de la protection sociale. Pour garantir la qualité du contenu, un intervenant extérieur indépendant interviendrait, par exemple, un membre de la Chambre Territoriale des Comptes.

MAÎTRISE DE L’ÉVOLUTION DES COÛTS
En quelque sorte, il faut passer aux choses sérieuses ! Il convient de définir des objectifs et les tenir pour les rendre crédibles. Ces mesures et leurs résultats doivent être rendus publiques à date régulière, et au moins, avant les décisions du Congrès en la matière.

Procédure d’alerte, pilotage mensuel, intervention obligatoire des pouvoirs publics en cas de dérapage attesté, tels sont les ingrédients de cette recette moderne.

NOUVELLE RÈGLE DU JEU AVEC UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE DE RÉGULATION
Un des piliers de la réforme proposée est la création d’une autorité de régulation indépendante, mesure innovante qui ne trouve pas son équivalent en métropole.

Cette autorité aurait pour rôle central de garantir le maintien de la santé à un niveau de qualité. Elle serait au service -mais non aux ordres- du congrès et du gouvernement pour la mise en œuvre des orientations décidés dans ce domaine.

En clair, tout en disposant de la distance nécessaire pour garantir son caractère indépendant, elle assurerait la mise en œuvre et la gestion courante du nouveau système.

L’autorité veillerait également à la nomination des principaux dirigeants du secteur.

Quant aux missions relatives aux actions de prévention et de santé dévolues à l’ASS, elles seraient transférées directement à la Nouvelle-Calédonie, aucune suppression de poste n’étant dans ce cas envisagée.

UNE RÉFORME MAJEURE POUR LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Ces propositions sont de nature à répondre à la question aujourd’hui sans solution : pouvons-nous pérenniser notre système de santé ?

Opportunité considérable : il est possible de la mettre en œuvre le plus rapidement possible, pour arrêter la dérive mortelle des coût sociaux enregistrée ces dernières années. Cela passe d’abord par le pilotage efficient et la gouvernance moderne de notre système de santé et de protection sociale.

Certes, il faudra tout de même renflouer le Ruamm, et acquitter ses dettes abyssales. Mais au moins, une perspective positive est tracée. Reste maintenant aux politiques à se hisser à la hauteur de l’enjeu.