« CONSTRUIRE LA SOUVERAINETÉ DANS LA SOUVERAINETÉ » – MACRON SUGGÈRE UNE DÉCOLONISATION ACCOMPLIE

C’est donc à 16h16 que le Président de la République s’est posé hier à Tontouta. Il était accompagné du ministre des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, ancien ministre de la Défense, de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale, et d’Annick Girardin, ministre des Outre-mer. Visite de trois jours.

UN DISCOURS INHABITUEL
Dès son arrivée, Emmanuel Macron a prononcé une allocution, ce qui, somme toute, est assez inhabituel. Comme s’il voulait dessiner, dès l’abord, le cadre politique de sa visite.

Il a d’abord exhalté « l’histoire commune », un thème largement repris par la presse métropolitaine, évidemment nombreuse à être du voyage. Un équilibre entre « les ombres » et « les lumières », et parmi ces dernières, les 30 dernières années des Accords. Un hommage qui se dessine pour Michel Rocard, et avec lui, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur.

Pour les Calédoniens, et pour l’audience nationale, après sa visite réussie en Australie, il a, bien sûr, rappelé et consacré le rôle de la France dans cette région du monde. Un rôle stratégique, et une place largement souhaitée par l’Australie et les Etats Unis.

Mais c’est évidemment tout ce qui se rattache au referendum, qui retient l’attention des Calédoniens.

LE REFERENDUM ET « EN MÊME TEMPS »,  LE JOUR D’APRÈS
De ce point de vue, les sondages publiés par Kantar/TNS et par I-Scope pour le compte de la télé Caledonia ne sont pas neutres. En arrivant sur un territoire où l’attachement à la République sera probablement confirmé par un scrutin d’autodétermination placé sous le regard des Nations Unies, le Président de la République peut confirmer sa neutralité, et « en même temps », impulser une vision politique de la Nouvelle-Calédonie d’Après.

Il ne prend cependant pas de risque. Ses citations, ses évocations, il les puise dans l’Accord de Nouméa et notamment, dans son préambule. Le cas échéant, il rappellera certainement qui sont les signataires originels de cet accord : Pour le FLNKS : Roch Wamytan, Paul Neaoutyine, Charles Pidjot, Victor Tutugoro, Pour le RPCR : Jacques Lafleur, Pierre Frogier, Simon Loueckhote, Harold Martin, Jean Leques, Bernard Deladriere.

PARTAGE DE SOUVERAINETÉ AVEC LA FRANCE
Le préambule de 1998 stipule que  » Dix ans plus tard, il convient d’ouvrir une nouvelle étape, marquée par la pleine reconnaissance de l’identité kanak, préalable à la refondation d’un contrat social entre toutes les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie, et par un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté. », et concrètement,  » Au terme d’une période de vingt années, le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité seront proposés au vote des populations intéressées. »

Nous y sommes. Et par le fait démocratique, Emmanuel Macron, aussi, mais cette fois, en qualité de Chef de l’Etat.

Les sondages indiquant un écart considérable en faveur d’un population qui souhaite que la Nouvelle-Calédonie demeure au sein de la République, Macron ne fait que tracer une perspective pour l’après referendum.

« CALCULER LES INTERDÉPENDANCES »
Au cas, probable, où la « pleine souveraineté » traduite par « indépendance » dans la question finalement adopté lors du dernier Comité des Signataires, est rejetée par la Calédoniens, que reste-t-il à imaginer ?

A construire ce que le Préambule de l’Accord dénomme « la souveraineté partagée avec la France », la souveraineté dans la souveraineté. Le terme n’est pas hors sujet.

Il aura un avantage non négligeable, pour le Président, et notamment aux yeux de Paul Néaoutyne qui fut le seul à défendre « la candidature Macron » lors des dernières élections présidentielles : la souveraineté est un terme qui convient bien aux indépendantistes, même si elle n’est « que » interne. C’est en grande partie ce que Jean-Marie Tjibaou évoquait en déclarant : « C’est la souveraineté qui nous donne le droit et le pouvoir de négocier les interdépendances. Pour un petit pays comme le nôtre, l’indépendance, c’est de bien calculer les interdépendances. »

L’issue du referendum risque bien d’être cette forme d’interdépendance, mais sans passer par la case souveraineté pleine et entière. Cependant, issue d’un choix « souverain » des Calédoniens.

CRITÈRES ONUSIENS DE DÉCOLONISATION
Pour la France, cette présentation pourrait être conforme à une demande de constat, auprès de l’ONU, que la Nouvelle-Calédonie serait alors dans une situation ne relevant plus des critères onusiens de « colonisation ». De quoi demander un retrait du territoire de la liste des pays à décoloniser.

Au plan local, hormis des ajustements institutionnels qui s’avèrent aujourd’hui indispensables, la situation ne serait pas fondamentalement différente, mais sa perception, elle, interne comme externe, serait davantage conforme à son régime juridique de « souveraineté partagée ».

SOUVERAINETÉ, PEUPLE, NATION
Est-ce à dire que le territoire serait alors « une petite Nation dans une grande Nation » ? Le Président de la République se garde bien de confondre les deux concepts juridiques. Parlera-t-il alors de « peuple calédonien » élément constitutif d’une « nation » ? Ce serait, de sa part, méconnaître les clivages profonds de la société calédonienne, en dépit des slogans comme  » destin commun » ou « communauté de destin ». C’est, d’ailleurs, peut être ce que souhaiteraient gommer les tenants de l’affirmation de valeurs communes aux Calédoniens.

En attendant, le referendum impose deux choix : un destin au sein de la France, ou un destin hors de la France. Par « la souveraineté dans la souveraineté« , Emmanuel Macron tente de mettre « en même temps » entre les deux.