LE SCANDALE DES « RÉFUGIÉS » KANAK : COMMENT PARLER DU « DESTIN COMMUN » 23 ANS « APRÈS » ?

Bien des exégèses ont été pratiquées sur le « lien à la terre » en Nouvelle-Calédonie, et particulièrement dans le monde mélanésien. Les valeurs de la société kanak ont fait l’objet d’une tentative de recueil pour mettre celles-ci en lumière. Il paraît même que ces sujets pourraient figurer dans le ciment d’un « destin commun » idéal dans notre société pluriculturelle. Seulement voila. Au delà des incantations qui ne feront jamais que la parole est action, une situation politique, sociale, coutumière inacceptable perdure 23 ans après ce qu’il est commun d’appeler « les événements » : le quasi-exil, dans leur propre pays et loin de leur terre, de kanak dont le délit est d’avoir fait le choix de la France.

Le plus emblématique d’entre eux, ancien chef de l’Exécutif local, ancien Sénateur, ancien Député Européen, ne repose pas dans la terre de ses ancêtres. Son rang coutumier, élevé, rend encore plus anachronique cet ostracisme. Il fut, au delà du récif comme on dit, une personnalité nationale. Une des rares dont un discours fameux, prononcé devant un Sénat respectueux en janvier 1985, fut affiché dans toutes les mairies de la République.

Tout comme lui, loin de la terre de ses aïeux, l’accompagne l’un de ceux qui furent ses plus fidèles, et dont les liens remontent dans l’histoire guerrière de leur île désormais partagée en districts coutumiers.

Bien sûr, la liberté d’aller et venir partout sur le territoire a été rétablie. Pourtant, combien sont-ils encore, depuis cette époque funeste où les maisons brûlaient, où les barrages entravaient les routes, où des familles entières étaient chassées de chez elles, combien sont-ils à vivre, dans leur vie intime, comme des exilés ? Pour la Tradition comme pour la République de la Liberté, de l’Égalité, de la Fraternité, un seul, c’est aujourd’hui, un de trop.

Alors, on pourra échafauder tous les plans sur le destin commun, imaginer toutes les sorties des Accords dans un an, dans trois ans, puis dans cinq ans, la sincérité des votes aux scrutins d’autodétermination ne peut être disjointe de la sincérité des intentions.

La vocation à vivre ensemble n’est pour l’instant qu’une obligation de vivre ensemble. Les rêveurs ont le droit de penser le contraire. Pas moi.

Mais ce n’est pas une fatalité. Et d’ailleurs, au delà du grave sujet évoqué, cela n’exonère nullement toutes les autres communautés des efforts ou des renoncements pour rendre la société calédonienne, si complexe, tant marquée comme d’autres pays par la colonisation, plus juste et plus solidaire.

 « On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant Destin Commun, Destin Commun, mais celà n’aboutit à rien, cela ne signifie rien » pourrait-on écrire pour paraphraser l’expression fameuse du Général face à Michel Droit. Alors, le retour des fils à la maison dans une société où s’entremêlent tradition et chrétienté serait une belle illustration du contraire.

Gaby Briault