L’issue du débat paraissait incertaine sur le feu vert à Aircalin pour remplacer ses avions qui « plombent » son exploitation et pénalisent ses clients, et pour maintenir au tourisme calédonien une desserte de qualité. Hier au Congrès, stratégie, finances, tarifs ont été évoqués, parfois avec des informations à remettre à niveau. Ils traduisent une perception floue du rôle et de la situation réelle de la compagnie. Finalement, les ailes internationales calédoniennes seront modernisées. Économie.
Au cœur du débat : la caution de la Nouvelle-Calédonie sur 5 milliards d’un emprunt bancaire de 20. En arrière-plan : la défiscalisation sollicitée auprès de Berçy (10 milliards). En lumière : les tarifs.
FINANCES PUBLIQUES ET TARIFS
Ce qui a changé depuis les premiers échanges en commissions plénières du Congrès, c’est la situation économique et budgétaire, bien sûr. Avec au passage, des élections législatives … En tout cas, pour les indépendantistes comme pour les Républicains Calédoniens, les 5 milliards de caution ne doivent cacher l’étendue de la responsabilité financière du territoire qui pourrait être appelé pour la totalité du prêt en cas de défaillance de l’emprunteur, en l’espèce, la compagnie.
Et cheval de bataille de plusieurs conseillers : les tarifs, notamment en période scolaire, sujet sensible auprès du public calédonien.
PLAIDOIRIE ET CRITIQUES
Philippe Michel paraissait bien seul, pour rappeler, sans nier quelques réalités comme les critiques tarifaires, des fondamentaux économiques pour la compagnie comme pour la Nouvelle Calédonie. Les avions actuels entrent dans un cycle de pannes ruineuses pour la compagnie qui perd de surcroît du crédit auprès de ses clients. Si le territoire n’assure pas le transport des Calédoniens et de ses touristes, personne d’autre ne le fera, tant l’étroitesse du marché local condamne tout espoir de réel profit. Et de citer Air Micronesia, AOM, Corsair et plus récemment Air Austral qui sont venus et repartis « parce qu’ils perdaient beaucoup d’argent », a rappelé le chef de groupe de la plate-forme.
Et de souligner également que le retard à meilleure fortune de l’Adanc, actionnaire presqu’unique d’ACI, permettra à l’agence de se substituer en garantie dès 2022.
Les critiques, en général enrobées dans un « nous ne visons pas la gestion d’Aircalin qui est bonne, ni le personnel qui a fait de grands efforts », ont fusé de tous les autres camps, parfois sans ambages. « Il manque un épisode : la politique tarifaire », « on ne peut pas dépenser l’argent qu’on n’a pas », « la compagnie doit être présidée par le membre du gouvernement chargé des transports », « il faut une seule compagnie aérienne et un seul handling », « il faut mettre en œuvre les recommandations de la Chambre des Comptes ».
Au passage, quelques actualisations informatives ont eu lieu. « La compagnie n’achète plus de block-sièges à Air France qui paie ses sièges comme les autres compagnies ». « Il n’existe pas de monopole au profit d’Aircalin. Toutes les compagnies peuvent demander à atterrir à Tontouta. Une compagnie low-cost avait été autorisée, mais elle n’est pas venue ». Et enfin « Aircalin ne perd plus d’argent sur la desserte Japon qui est équilibrée ».
ÉCONOMIE : LES LEVIERS DE CROISSANCE
Au delà des arguments qui méritent presque tous d’être approfondis dans un débat complémentaire, ce qui ressort des échanges nombreux est de deux ordres :
- la compagnie n’est pas comprise comme elle le souhaiterait, ce qui l’interpelle sur sa communication,
- beaucoup oublient qu’il s’agit d’une entreprise, essentielle puisque la Nouvelle-Calédonie est une île et que sa desserte n’intéresse personne, qui recherche pour elle-même des leviers de croissance, et constitue également pour le tourisme – 5000 emplois actuels !- un levier de croissance fondamental.
Or, si la Nouvelle-Calédonie veut affronter la crise qu’elle subit dans les conditions les moins mauvaises, elle a besoin de soutenir son économie et de mettre en place des leviers de croissance.
C’est l’Union Calédonienne, par la voix de Rock Wamytan, qui a fait basculer le débat en offrant une alternative au vote négatif : appliquer les recommandations de la Chambre des Comptes, parler de la politique tarifaire, de l’emploi local, du tourisme, évaluer la situation financière de l’Agence pour la Desserte Aérienne, actionnaire ultra-majoritaire d’Aircalin, réintégrer la stratégie de desserte aérienne dans le Plan NC 2025. Propositions acceptées par le gouvernement et la compagnie.
Quant à Kotra Uregei, rappelant qu’Aircalin avait été créée sous le magistère de Jean-Marie Tjibaou, il avait indiqué que son groupe « prendrait ses responsabilités pour l’avenir de la compagnie« .
Finalement, l’intergroupe Calédonie Ensemble-Rassemblement-MPC, l’UC et les élus nationalistes ont apporté leurs 37 voix à la caution, contre 15 de l’Uni et des Républicains Calédoniens. ACI pourra annoncer à Bercy que son actionnaire presqu’unique la soutient, et confirmer ses commandes à Airbus.
Dans la foulée, le Congrès a donné son accord pour 2 ATR au profit d’Aircal.