La Calédonie aime bien se bercer de mythes. Le dernier qui fait florès est « le destin commun ». Il est vrai que le terme concluait admirablement ce magnifique morceau de littérature politique que constitue le préambule de l’Accord de Nouméa. Sauf que ces derniers mois ont été marqués par tout le contraire de ce qui fait une communauté de destin : des clivages favorisés par la délinquance, par l’envie et la jalousie et par les intérêts politiques fondés sur le populisme. Dégâts.
Il faut dire que le quinquennat avait « bien » commencé dans le genre, avec le fameux « je n’aime pas les riches » de François Hollande. Une sorte de retour à Robespierre, déplacé à la fois pour un Chef d’Etat qui doit être celui de tous les Français, et d’autre part en raison d’une négation de la réalité économique du 21e siècle. Un quinquennat plus tard, qu’a fait Hollande de la France ?…
De bien des points de vue, la Calédonie est devenue comme jamais un morceau de l’hexagone !
L’ENVIE ET LA JALOUSIE
Ainsi, dans un pays qui autrefois, était une terre de pionniers, on admirait la réussite d’Edouard Pentecost ou de la famille Montagnat. C’était l’après-guerre, et l’esprit américano-anglosaxon qui prévalait en Nouvelle-Calédonie. Depuis, la Calédonie s’est « métropolisé », adoptant à la fin des années 70, l’esprit de « lutte des classes » qui animait –et anime encore- le débat politique hexagonal. Une dérive accentuée par l’espèce de « lutte des races » qui émerge, à laquelle s’ajoute d’autres perversités.
Tout cela résulte d’un socialisme rampant, pratiqué aussi bien par la gauche … que par la droite. A l’excès, le principe d’égalité cher à la République a fait trop souvent place à l’égalitarisme, source d’envies et de jalousies.
D’ailleurs Gustave Le Bon n’écrivait-t-il pas : « Si la jalousie, l’envie et la haine pouvaient être éliminées de l’univers, le socialisme disparaîtrait le même jour ».
« VIVRE ENSEMBLE », OBLIGATION OU CONTRAINTE ?
A quoi aboutit ce cocktail dans la Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui ?
A un fossé qui se creuse ostensiblement ou insidieusement.
Entre les kanak et les autres, avec pour catalyseur la violence verbale de plus en plus fréquente, ainsi que par la montée de la délinquance. Entre « loyalistes » et indépendantistes, sur des choix de société, après 25 années d’apaisement. Entre « loyalistes » eux-mêmes, divisés pour des raisons électorales, et de plus en plus, sur un modèle de société. Entre le monde de l’entreprise, et celui des fonctionnaires et de certains salariés, partant du « principe » qu’un chef d’entreprise est forcément un exploiteur et un profiteur. Entre ceux qui réussissent économiquement et ceux qui échouent ou n’entreprennent pas, partant cette fois-ci du « principe » qu’aucune réussite matérielle ne peut être honnête. Entre les employeurs, divisés sur des choix de fondements économiques sur fond de politiques. Et entre les syndicats, pour des raisons à peu près analogues.
Ce n’est pas tout. La crise arrivant, un fossé va se creuser entre ceux qui ont un emploi, et ceux qui l’auront perdu ou ceux qui n’en trouvent pas.
Ce dernier thème va d’ailleurs ressusciter une vieille antienne : celle du « on vient bouffer le pain des Calédoniens … ».
Exagéré ? Il suffit de relire quelques déclarations bien senties, d’assister à de véritables désignations à la vindicte publique de « 15 familles » qui ont réussi, de lire des écrits sous couvert de pseudos sur les réseaux sociaux. Et plus simplement de regarder autour de soi.
Le paysage de la société calédonienne est aujourd’hui désolant : c’est une société clivée comme elle ne l’a jamais été où le « vivre ensemble » se réduit de plus en plus à une obligation quand ce n’est pas ressenti comme une contrainte.
De beaux esprits s’offusqueront de cette affirmation. Il est vrai que si le pays aime bien les mythes, il se complaît aussi dans les incantations.