L’inconnue du Comité des Signataires des 4,5,6 février : affrontements ou réconciliations ?

Manuel Valls et Georges Pau Langevin au Comité des Signataires 2015
Manuel Valls et Georges Pau Langevin au Comité des Signataires 2015

Grande migration politique en ce début de février 2016 : c’est le « Comité des Signataires » qui se réunit. Rendez-vous incontournable désormais placé sous l’égide du Chef du gouvernement depuis que François Fillon, en 2007, a tenu à ce que le Premier ministre en personne préside ces réunions. Et que le Président de la République, pour ne pas être en reste, tient à y porter une attention concrète et bienveillante. La réunion des 4,5 et 6 février sera-telle vraiment utile ? Va-t-elle changer quelque chose pour la Nouvelle-Calédonie ? Décryptage.

RENOUER LES FILS DU DIALOGUE

C’est un terme récurrent dans le langage politique calédonien : on n’en finit pas de « renouer les fils du dialogue ». Il côtoie quelques autres éléments de langage obligés : « rééquilibrage », « l’esprit des Accords », « légitimité », « construction du destin commun ». Tellement répétés qu’ils commencent, pour certains, à faire figure d’incantation.

Alors, en clair, les « Comités des Signataires » servent-ils à quelque chose ?

Incontestablement, oui.

Et d’abord, effectivement, pour « renouer les fils du dialogue », perpétuellement distendus en Nouvelle-Calédonie tellement les élus et les partis politiques se chamaillent et se déchirent. Calédonie Ensemble avec les Républicains, le Palika avec l’Union Calédonienne, les élus tenants de la liberté du commerce avec les dogmatiques de la « doctrine nickel » de la Province nord, Sonia Lagarde avec … une partie de son ex-propre groupe à la Mairie de Nouméa, les Républicains entre eux sur l’avenir de l’école. Et la liste pourrait s’allonger !

DES DÉCISIONS IMPORTANTES

A Paris, loin des convulsions locales, c’est plutôt « paix aux hommes de bonne volonté ». Et surtout, l’occasion de se parler un peu plus sereinement avec, le cas échéant, la pression bienveillante de l’Etat …

Et puis encore, des décisions importantes ont été actées lors de ces réunions et ont presque toutes été suivies d’effet. A preuve : les lycées du Mont Dore et de Pouembout, la création de la STCPI qui portera les actions des collectivités au sein du capital de la SLN, le transfert de l’enseignement secondaire ou encore les avancées incontestables sur le corps électoral et l’organisation des commissions électorales lors du Comité exceptionnel de 2015.

UNE CONCLUSION NON RESPECTÉE : LES DEUX DRAPEAUX

Seul accroc, et de taille : celui du 7è Comité du 24 juin 2010 sur un sujet devenu ensuite explosif : « A ce stade, dans la perspective des Jeux du Pacifique 2011prochains jeux du Pacifique et dans l’esprit de la poignée de main entre Jacques LAFLEUR et Jean-Marie TJIBAOU, il recommande que le drapeau tricolore et celui du FLNKS flottent côte à côte en Nouvelle-Calédonie. », rédaction adoptée à l’unanimité, y compris par Calédonie Ensemble. Qui fera du combat contre « les deux drapeaux », symbole de la « trahison de Frogier », le cheval de bataille des législatives de 2012 …

Cette fois, sont inscrits au programme trois sujets majeurs : la perspective de la sortie de l’Accord de Nouméa, le corps électoral de sortie, mais également provincial, et le nickel.

UN NOUVEL ACCORD CONTESTÉ MAIS INÉVITABLE

La sortie de l’Accord de Nouméa est non seulement une préoccupation récurrente, mais c’est surtout une échéance qui s’approche rapidement. Deux thèses s’opposent : celle menée par le Palika qui exclut tout « nouvel accord », lequel est cher à Pierre Frogier qui veut à tout prix éviter le « referendum couperet » et surtout clivant du « pour ou contre l’indépendance ».

Sauf qu’en réalité, 25 ans de statistique électorales montre que la Calédonie et l’Etat n’ont pas le choix : une très forte majorité pour le maintien du territoire dans la République imposera aux uns et aux autres de négocier un troisième statut de la Nouvelle-Calédonie, précédé d’un troisième préambule qui déterminera « l’esprit » et les perspectives de ce qu’il faudra bien appeler un troisième accord. Michel Rocard lui même a rappelé ce qui apparaît pour lui comme une évidence.

En ce qui concerne le corps électoral, le prochain Comité verra sans doute un nouveau baroud du FLNKS, fidèle à sa stratégie et à la ligne issue de cette stratégie. Mais au total, depuis le Comité exceptionnel de 2015, chacun pressent qu’un accord est possible. D’autant que l’Etat a accepté une démarche très particulière consistant à accueillir des représentants de l’ONU dans un scrutin qui, pourtant, relève strictement des affaires intérieurs de la France.

PROBABLE AVANCÉE SUR LE PRINCIPE D’UNE NÉCESSAIRE STRATÉGIE NICKEL. MAIS LA SUITE À NOUMÉA.

Pour le nickel, c’est la position de l’Etat qui sera intéressante à observer. Et il y a fort à parier qu’elle sera bienveillante aux appels de Pierre Frogier, récemment rejoint par Philippe Gomes sur le thème de « il faut sauver le soldat SLN ».

Au delà de cette position capitale –l’Etat est indirectement actionnaire d’Eramet, possède l’arme de la défiscalisation, et, même si les compétences sont désormais calédonienne, peut peser très fort dans le débat- il paraît hors de question d’élaborer une « stratégie nickel » au cours de ce Comité. D’autant que des engagements ont été pris auprès de Contrakmine – et ses quelques milliers de tonnes d’engins- pour que le sujet nickel soit mis sur la table à Nouméa, après le Comité des Signataires.

Mais en revanche, le clou peut être enfoncé sur la nécessité de s’entendre sur une perspective partagée du développement de la mine et de la métallurgie en Nouvelle-Calédonie. D’autant que l’année 2016 sera probablement « annus horribilis » pour ce qui n’est plus, pour quelques années encore, « l’or vert ».

ET LA SÉQUENCE SURPRISE ?

Mais attention. Au delà de ce qui constitue « le programme du Comité », il existe toujours des sujets qui s’invitent. Personne ne peut perdre de vue l’attention des actuels et des futurs candidats responsables aux responsabilités de l’Etat.

Manuel Valls devrait venir en Nouvelle-Calédonie, peut être courant mars. Se démarquant nettement de l’ultra gauche, il prend de plus en plus l’initiative d’un rassemblement des français dépassant les clivages classiques de la Vè République. Probablement pour la présidentielle de 2022. Ou avant ?

François Hollande est quasiment en campagne électorale. Présent sur tous les fronts, il ne néglige rien. Car il sait que le premier tour se jouera peut être dans un mouchoir de poche.

search-8Et puis, il y a Nicolas Sarkozy, patron des Républicains et qui a réussi à mettre en œuvre des accords nationaux avec l’UDI aussi bien lors de départementales que pour les régionales. Ou Alain Juppé, lui-même « Les Républicains » et proche des centristes.

Or Pierre Frogier est « Les Républicains », et Philippe Gomes est UDI.

Qui sait ce que pensent ces responsables nationaux, demain peut être à la tête de l’Etat, de la division mortifère des partis politiques calédoniens ?