
Comme chaque année, au mois de décembre, le Congrès va examiner le projet de budget 2016 à l’issue d’un examen par ses commissions spécialisées, et les arbitrages rendus par la commission des Finances. Mais ce budget est particulier : c’est le premier budget de crise économique depuis la fin des événements. L’enjeu en est donc la relance. En d’autres termes : anticiper la crise, ou la subir.
COMMENT RELANCER LA CROISSANCE
DES ENTREPRISES CALÉDONIENNES
Au delà des chiffres qui verront fatalement un équilibre entre les dépenses et les recettes, les membres du Congrès vont devoir effectuer un exercice nouveau : comment impulser une relance économique pour les entreprises calédoniennes au travers des politiques publiques.
Car depuis 2005, date à laquelle le budget a changé de présentation, passant d’une nomenclature comptable à la présentation des politiques publiques, l’enjeu du vote budgétaire annuel a –en théorie !-, évolué. En clair, par exemple, on votait autrefois « le budget de la Direction des TP». A présent, la congrès doit décider, sous la forme d’une « Mission », la Politique Publique de la Nouvelle-Calédonie en matière d’équipements et d’infrastructures publics : routes, ponts, aérodromes, bâtiments, moyens de transports, etc …
Ces politiques publiques, en théorie conformes au « Schéma de Développement et d’Aménagement 2025 », lequel est en chantier depuis les Accords de Nouméa et n’est toujours pas terminé, s’inscrivent –toujours en théorie- dans une perspective à court, moyen et long terme.
SEULES LES POLITIQUES PUBLIQUES
PEUVENT RELANCER L’ECONOMIE
En ce mois de décembre, alors que les finances publiques sont en difficulté, les comptes sociaux dans le rouge, le nouvel hôpital sur le Médipôle en passe de faire croître les dépenses de santé, les entreprises métallurgiques en plein marasme et les entreprises calédoniennes en « mode croissance zéro », seules les Politiques Publiques peuvent donner des signes positifs en faveur d’une relance économique.

A cet égard, la situation calédonienne n’est aujourd’hui pas très différente de celle de la métropole, où le Premier ministre s’est plu a déclarer « j’aime l’entreprise ». Normal : la Calédonie a importé de Paris … le mauvais modèle.
DROIT DU TRAVAIL, FISCALITÉ,
RÉGLEMENTATION ÉCONOMIQUE
Il en va ainsi du droit du travail, dont la complexité paralyse la croissance, et dont le copié-collé du droit métropolitain a abouti à un droit local ne correspondant plus à une économie de 270 000 consommateurs, installés sur une île dont l’avion et le bateau sont les seuls liens avec l’extérieur.
Il en va ainsi de la Politique Publique fiscale. Essentielle pour la relance, tout comme la métropole en fait l’expérience. Taxer les entreprises sans discernement sera mortel pour la croissance, et pire pour l’économie. Remettre la relance des entreprises au cœur du dispositif fiscal est à présent indispensable, à la fois dans le but de gommer les entraves au développement et l’investissement, et aussi pour mesurer les impacts économiques de la fiscalité.
Autre politique publique en relief : la formation professionnelle. Depuis une décennie, la totalité du Fond Européen de Développement y est consacrée, ce qui fait, avec les budgets locaux, plusieurs milliards chaque année.
Or, les entreprises constatent dans trop de secteur une inadéquation entre la formation … et les besoins des entreprises. Les ateliers manquaient ainsi de carrossiers. Les hôtels, eux, sont toujours en attente de gouvernantes locales qualifiées.
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
CALIBRÉE POUR 65 MILLIONS D’HABITANTS
La réglementation économique est également une Politique Publique essentielle à la relance. Or celle-ci passe par l’investissement. Ce dernier est paralysé par la « menace » d’une Autorité de la Concurrence, dont l’action ne va pas réguler la concurrence, mais dissuader les quelques investisseurs locaux.
Une telle autorité est en effet calibrée pour des pays de plusieurs dizaines de millions de consommateurs. La France métropolitaine en compte 65 millions ! Elle est aussi dimensionnée pour réguler l’action d’entreprises souvent côtées en bourses, dont les capacités d’investissement se chiffres par centaines de milliards de FCFP.
Rien de tel, évidemment en Calédonie. Les quelques entreprises susceptibles d’investir doivent jouer sur la synergie de leur groupe ou de leur holding. Avec l’Autorité de la concurrence, elles devront peut être, au contraire, vendre une partie de leurs actifs !
Mais la cerise sur la gâteau a été, ces derniers mois, l’interprétation en matière de réglementation d’exportations minières. Tout pays rêve d’exporter. Surtout les détenteurs de minerais en pleine crise des matières premières. Pas la Calédonie, qui l’a interdit !
Décision difficile à qualifier, dont la justification –la préservation de quelques millions de tonnes de nickel pour les générations futures, ou encore une doctrine décidée par une collectivité dont un représentant affiche clairement son marxisme- est difficilement recevable.
ANTICIPER LA CRISE
OU LA SUBIR
Autre politique publique sensible pour la relance : les équipements et les infrastructures. Dans un contexte budgétaires contraint, elle doit viser le meilleur rendement « qualité-prix » au regard de ses effets économiques. Par exemple, la poursuite du chantier autoroutier de Nouméa vers Tontouta devrait constituer une priorité. Il ne s’agit pas que d’une simple route. Cette voie de communication est indispensable au regroupement des liaisons aériennes intérieures et internationales à Tontouta, générant d’importante économies d’exploitation ; elle facilitera la communication, et donc les échanges, entre le Nord et le Sud ; elle ouvrira de nouvelles zones à l’urbanisation pour le logements et les implantations industrielles.
Pour en faire profiter au mieux les entreprises, le marché public peut prévoir dans ses conditions un partage entre les entreprises du nord et celles du sud.
Tel est, derrière son appellation, l’enjeu du budget 2016. Les effets de la crise se feront durement sentir à la prochaine rentrée. En attendant, par le vote des Politiques Publiques, le Congrès va déterminer deux choix : le premier est d’anticiper cette crise, le second est de la subir.