En refusant de se prononcer sur les demandes d’exportation de latérites vers la Chine, le gouvernement calédonien tente de renvoyer ce dossier devant le Congrès. Qui n’est pas compétent. Manœuvre ? Provocation ? Tentative pour sauver la face du Président du gouvernement ? Une épreuve de vérité commence.
Le Président du congrès a d’abord refusé de convoquer une session extraordinaire comme le réclamait la majorité du gouvernement. Motif : la délibération de l’Exécutif sera entachée d’un vice de procédure. Autre raison : la décision d’autoriser les exportations de minerai relève du gouvernement et non du Congrès. Epreuve de vérité juridique, donc, éclairée par le Haut-Commissaire qui dans le langage policé du corps préfectoral, suggère que la régularité de l’acte de gouvernement « apparaît incertaine », avis d’autant plus lourd qu’un de ses proches collaborateurs est issu du Conseil d’Etat. En clair : la procédure est probablement illégale.
Cet acte a été pris par une majorité Calédonie Ensemble-Palika, à laquelle s’est joint Jean-Louis d’Anglebermes. En contradiction, semble-t-il, avec les directives de son parti, l’Union Calédonienne. Si tel est le cas, il se profile une épreuve de vérité pour le Vice-président du gouvernement.
Epreuve de vérité économique, également. En annonçant un plan de réduction des emplois, Wilfrid Maï a rappelé à chacun qu’il ne s’agissait pas d’une simple querelle théorique de textes et de doctrine : l’économie, c’est d’abord la source d’emplois. Et ce qui se pointe s’appelle une catastrophe.
Epreuve de vérité en matière d’ordre public, peut être, aussi. Ce mineur fait travailler beaucoup de monde dans le sud, et notamment, dans la tribu de Saint Louis. Il ne faut pas être grand clerc pour imaginer quelle vendetta pourrait inspirer un coup dur aux revenus des familles concernées.
RECHERCHE D’UNE ISSUE HONORABLE ?
Alors pourquoi cette décision du gouvernement qui risque de mettre un grand feu aux poudres ?
Probablement la recherche d’une issue honorable. Depuis l’origine du conflit, le Président Philippe Germain s’abrite en effet derrière le « schéma minier », lequel ne permettrait pas d’autres exportations de nickel que vers les « clients traditionnels ».
Ses détracteurs prétendent, eux, que ce n’est pas le cas et que la lecture attentive du fameux schéma montre que le texte permet d’autoriser les exportations demandées sous la clause contenue dans le document « d’évolution du marché ».
Or, si malgré tout, le schéma minier était expressément modifié par le Congrès dans le sens souhaité par les rouleurs et les mineurs indépendants, la décision ferait d’une pierre deux coups :
- elle justifierait a posteriori la position de la majorité du gouvernement,
- elle justifierait, à l’issue, une autorisation d’exportation vers la Chine.
Le risque, pour la majorité gouvernementale, est évidemment celui d’un examen juridique faisant autorité confirmant que lesdites exportations sont possibles sans modification du schéma minier…
Quoi qu’il en soit, le bilan inévitable de ce conflit sera certainement lourd. Pour l’économie, pour la crédibilité du gouvernement, pour les relations entre les partis politiques, pour la sérénité du débat de sortie de l’Accord de Nouméa.
Et la question se posera à coup sûr : pour quelles raisons avouées ou obscures la Calédonie a-t-elle été soumise à ce charivari abracabradantesque ?