LE TORCHON BRÛLE ENTRE CALÉDONIE ENSEMBLE ET L’UC

Alors que l’UC avait apporté ses voix pour la désignation de Philippe Germain à la Présidence du gouvernement et de Jean-Louis d’Anglebermes à la Vice-Présidence, Calédonie Ensemble a publiquement pris ses distances en critiquant violemment l’Union Calédonienne sur sa position à propos des exportations de latérites vers la Chine. Missiles et conséquences.

Tout un communiqué consacré à une critique en règle de l’Union Calédonienne, après que le plus vieux parti politique calédonien ait affiché un « nous n’avons pas de leçon à recevoir de quiconque » dans le dossier Lecren, voilà ce qui s’appelle une attaque en règle.

INJONCTION À L’UC
« Le positionnement de l’Union Calédonienne lors du GTPS du 7 septembre constitue donc un flagrant délit d’incohérence avec la ligne politique de l’Union Calédonienne concernant l’arrêt des exportations de minerai brut en 2019 (Congrès de Tiaoué-Koné) ainsi qu’avec la ligne politique affirmée le matin même du GTPS par le Président de l’Union Calédonienne », est une leçon ou une critique, c’est selon, sans nuance.

Mais Calédonie Ensemble va cette fois plus loin. En affirmant que « si l’Union Calédonienne a changé de position sur le sujet, c’est que son canal « business » a pris le pas sur le canal « historique » », c’est directement une accusation d’affairisme qui vise les leader de l’UC et en particulier son président Daniel Goa.

Procureur, le communiqué indique qu’il « faudra que l’UC explique en quoi cette démarche s’inscrit dans le cadre politique défini », référence aux positions jusqu’alors exprimées par le parti.

Ce qui frappe dans cet écrit est la violence des propos et l’injonction à un parti réputé jaloux de son indépendance. D’autant que l’Union Calédonienne peut se prévaloir d’être à l’origine du développement minier et métallurgique de la Province nord.

L‘UC OBTIENT LE FABULEUX MASSIF DU KONIAMBO
C’est en effet à l’UC que cette collectivité doit d’être propriétaire du gisement du Koniambo, une pépite nickel d’importance mondiale.

Rappel. Alors que les négociations sur « la solution consensuelle » prônée par Jacques Lafleur dès 1991 sont en panne, l’Union Calédonienne fait toujours la sourde oreille en 1998, à l’approche de l’échéance devant conduire à un referendum couperet « pour ou contre l’indépendance ».

La pression politique est considérable. Le leader du RPCR a même convaincu d’anciens éminents dirigeants de l’UC à s’en séparer pour défendre la solution consensuelle. Ainsi nait la Fédération des Comités de Coordination Indépendantistes, la FCCI.

L’UC est ébranlée mais ne plie pas. Bien au contraire. Ses militants bloquent une partie de la Calédonie, érigent des barrages, pour exiger de l’Etat « un geste fort au nom de la dette coloniale ». En clair : l’affectation du fabuleux gisement de Koniambo à la Province nord et le fameux « préalable minier ».

imgresC’est finalement le gouvernement Jospin, et notamment Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’économie et des finances, qui débloque l’affaire. La SLN, propriétaire du Koniambo, doit accepter un échange avec un massif à Tiébaghi accompagné d’une soulte d’une vingtaine de milliards CFP en dédommagement. Une mauvaise affaire pour la SLN, mais la porte ouverte aux plus grandes ambitions minières et métallurgiques pour la Province nord.

C’est cet accord obtenu par l’Union Calédonienne, et par personne d’autre, qui permet ensuite la signature de l’Accord de Nouméa.

Les responsables et les militants de l’UC ont conservé intact ce souvenir, alors que la Province est administrée depuis plus d’une décennie par le Palika. Et que l’Union Calédonienne a été écartée de la gestion du dossier nickel.

Pour ce qui concerne l’accusation de « canal business », Daniel Goa a sans doute aucun du prendre en considération la situation de centaines de rouleurs kanak et non kanak adhérents ou sympathisants de l’Union Calédonienne dans le conflit des rouleurs. Les sacrifier au nom d’une doctrine qui fait davantage place à l’idéologie plutôt qu’à  la prise en compte des situations humaines ne relève pas de la tradition de l’Union Calédonienne.

Chacun connaît par exemple la Cafat. Mais qui se souvient que la Cafat, instrument partenarial de solidarité exceptionnel pour tous les Calédoniens, fut créé il y a 65 ans par l’Union Calédonienne ? On pourrait donner bien d’autres exemples en matière économique, sociale, fiscale.

LE PRIX DU SANG
Ce parti a bien sûr évolué. Mais dans son ADN demeure un forme de pragmatisme qui sait s’imposer à l’idéologie.

Il faut ajouter que c’est l’UC qui est principalement à l’origine des événements de 1984, alors que son Secrétaire Général, Eloi Machoro, fracasse l’urne de Canala ce jour d’élection du 18 novembre pour mettre en place le statut Lemoine. Puis est « neutralisé ».

images-1C’est Jean-Marie Tjibaou, Président du FLNKS mais également Président de l’UC qui signe finalement les accords de paix de Matignon au nom des indépendantistes.

Au risque de sa vie qu’il perd à Ouvéa le 4 mai 1989, avec Yeiwene Yewene. Tous deux de l’Union Calédonienne.

Les responsables et les militants de l’UC portent cette histoire, faite de domination de la vie politique calédonienne de 1958 à la fin des années 70, faite aussi d’épisodes dramatiques, de conflit armé, d’acceptation de la paix et d’un nouveau rapport avec l’ancienne puissance coloniale.

C’est pour ces raisons qu’elle considère « ne pas avoir de leçons à recevoir de quiconque ». Mais c’est également pour ces raisons notamment que les récentes attaques de Calédonie Ensemble laisseront quelques traces profondes.