Le conflit des rouleurs s’enlise, comme nous l’avions craint dans une publication précédente. Le Président du gouvernement et certain media tentent de déplacer les enjeux de la grève : ce sont les mineurs qui sont désormais visés. La SMSP, quant à elle, déclare publiquement que l’exportation de minerai vers la Chine irait contre « son modèle économique ». Décryptage.
CHANGEMENT DE TON ET DE CIBLE
Ce sont désormais les mineurs qui deviennent les accusés au yeux du gouvernement dans le conflit qui l’oppose aux rouleurs. Les exploitants miniers dont certain media rappelle les profits, sont stigmatisés en leur qualité d’employeurs des rouleurs. « Chair à canon » et autres termes imagés donnent le ton choisi par le Président de l’Exécutif calédonien.
C’est probablement mal connaître la mine calédonienne et son esprit. Dans ce pays, il y encore peu d’années, la réussite matérielle et individuelle était admirée. Celle d’Edouard Pentecost, par exemple, ou celle des Montagnat. Ces gens sortis du rang et qui, sans être des délinquants en col blanc, ont réussi à bâtir des entreprises prospères. Et qui, par conséquent, ont créé des centaines d’emplois. Cette mentalité, très anglo-saxonne, venait peut être de l’influence d’une présence américaine importante en Calédonie pendant la seconde guerre mondiale.
DES CHEFS D’ENTREPRISE
Mais la nouvelle cible que constituent les mineurs montrent aussi une évolution idéologique, ou de mentalité, c’est selon. La Calédonie a adopté certains aspects de la mentalité hexagonale de gauche, profondément détestable : celle du rapport à l’argent. Les chefs d’entreprise –car c’est bien de chefs d’entreprises qu’il s’agit-, lorqu’ils réussissent, sont plutôt présentés comme des profiteurs, des exploiteurs, et parfois, pour des affameurs ! Le socialisme est passé par là …
Certes, Manuel Valls semble changer son fusil d’épaule. « Vive l’entreprise », s’exclame-t-il à Paris, et même à Londres, dans la City, capitale financière de l’Europe.
Mais à côté de Valls, il y a Montebourg. Lui, prônait une nationalisation, pour régler le problème de Florange. Keynes est son inspirateur. Certains, de la gauche radicale, pensent encore à Karl Marx.
LE RÉVÉLATEUR DE LA CRISE
Or, les récentes déclaration du directeur financier de la SMSP sont, d’une manière générale, le révélateur de la crise actuelle. Evoquant le projet d’usine en Chine ainsi que gbPost l’indiquait dans un article précédent, il déclare, sans pudeur, que les exportations de minerai de nickel vers la Chine seraient contraires « au modèle économique de la société ».
Cette confirmation est doublement explicite.
D’une part, l’incompréhensible refus d’accorder des autorisations d’exportation vers l’Empire du Milieu trouve là son explication.
D’autres part, il devient plus clair qu’une société veut imposer son « modèle économique » à la Nouvelle-Calédonie à toute la Calédonie. Ce qui est tout à fait étonnant lorsqu’on imagine qu’une telle stratégie devrait faire débat et être décidée par les élus …
On voit bien que dans le conflit qui prend, depuis lundi, une autre dimension, le discours s’oriente vers une opposition de la « Calédonie d’en bas » face à la « Calédonie d’en haut ». Les rouleurs et les décideurs. Avec une incertitude pour les exploitants miniers, en haut par leurs revenus, en bas par leur labeur de terrain. Et parfois, de leur origine.