Le concept d’interdépendance pour la Calédonie n’est pas nouveau. Il fut évoqué par Jean-Marie Tjibaou, puis largement suggéré dans le préambule de l’Accord de Nouméa. Daniel Goa remet ce sujet à l’ordre du jour au récent Congrès de l’Union Calédonienne à Ponérihouen. Les interdépendances trouvent-elles une expression dans la souveraineté partagée, telle que définie dans ce préambule : « le partage des compétences signifiera la souveraineté partagée ». Commentaires.
Le préambule de l’Accord de Nouméa est un texte lumineux, mais ambigu. Dans la droite ligne des Accords de Matignon, il avait vocation à satisfaire deux parties dont les objectifs politiques étaient diamétralement opposés : l’indépendance pour les uns, le maintien de la Calédonie dans la France pour les autres.
Fondation d’une nouvelle souveraineté
Ainsi, les indépendantistes ont pu se réjouir de la partie du texte qui affirme dans le troisième chapitre : « Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté dans un destin partagé ». Ouf !
Dans le décryptage de cette phrase complexe, on pourrait comprendre que la reconnaissance de la souveraineté du peuple kanak est donc préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté dans un destin partagé. Faux. Car le texte a précisé que dès lors qu’il est fait « mémoire de ces temps difficiles » (ceux de la colonisation), que les « fautes » de la colonisation sont reconnues, que l’identité du peuple kanak est restituée, cela « équivaut », pour lui, à la reconnaissance de sa souveraineté.
Un contexte mondial nouveau
Cette séquence accomplie, la Calédonie peut donc passer à l’étape « nouvelle souveraineté dans un destin partagé ». Le verrou à lever est alors la réponse à la question : l’identité kanak est-elle jugée pleinement reconnue par les kanak pétitionnaires de cette revendication ?
Ce préalable posé, et peut être levé, en s’exprimant au congrès de Ponérihouen, Daniel Goa a sans aucun doute tracé une piste de réflexion pour une solution définitive au statut de la Nouvelle-

Calédonie. Le Président de l’Union Calédonienne évoque les réalité des enjeux dans un contexte nouveau, par rapport à la revendication d’indépendance formulée en juin 1975 : la mondialisation.
Mais il « s’interroge » sur « les discours ou slogans à caractère révolutionnaire » qui semblent décalés au regard de cette situation planétaire nouvelle. Il replace ainsi dans le 21è siècles, une revendication formulée en juin 1975, c’est à dire il y a 40 ans. C’était un autre temps, et surtout, un autre monde.
L’émancipation est la décolonisation
C’est tout le formidable enjeu de la démarche de décolonisation initié par les accords et observés par l’Organisation des Nations Unies. La décolonisation peut être aboutie dans des termes qui sont différents de la rupture avec l’ancienne puissance coloniale. Mais ces termes doivent faire consensus, c’est le fondement de la résolution de 1970 sur la quatrième voie de la décolonisation.
Dans mon livre écrit en 2005 « 2018 – la fin de l’Accord de Nouméa », j’avais écrit :
« La Calédonie gagnera à aborder les vrais enjeux, et passé les incantations, il lui faut aller « à l’intérieur des mots ».
« C’est, par l’information et la confrontation des idées, le plus sûr moyen d’apaiser les conséquences des choix (ceux du referendum – ndlr). On fera le constat, alors, que par certains côtés, nous vivons dans une bulle et que tout autour de nous, le monde a changé. On s’apercevra que pour un petit pays comme la Nouvelle-Calédonie, la notion d’indépendance est dépassée. On prendra conscience que la relation moderne entre une métropole et son ancienne colonie ne s’inscrit plus dans la rupture. La liberté a d’autres horizons que ceux du passé, elle subit des contraintes de nature différente. Le bonheur des peuples se construit avec de nouvelles exigences. »
Et il est bon de rappeler cette citation :
« Pour un petit pays comme le nôtre, l’indépendance, c’est de bien calculer les interdépendances ». Jean-Marie Tjibaou